Forçage génétique : l'UICN à l'heure des choix, L'Ecologiste
H. LefMeur (OGM dangers).

L’Union internationale de conservation de la nature (UICN) n’est pas une structure classique car elle rassemble et donne une voix à des États, mais aussi des associations, des populations indigèneset des comités nationaux. Son objectif est d’encourager la conservation de la nature. Par exemple, l’UICN tient la liste des espèces selon leur risque de disparition.

Elle a tenu son congrès mondial du 3 au 11 septembre à Marseille. Alors que l’environnement dénote ce qui nous environne (et donc reste centré sur l’humain), la nature dénote non seulement les espèces vivantes, mais aussi les écosystèmes et même le non vivant. La conservation de la nature est donc bien plus générale que la protection de l’environnement.

Un grand nombre de gens (décideurs comme militants) confond la reconnaissance du dérèglement climatique et son acceptation ! Avant qu’ils le reconnaissent il n’existe pas et après ils essaient de s’y habituer. Ils ne le combattent donc jamais.

La présence, rare mais reconnue, de représentants de populations indigènes (avec des coiffes de plumes colorées !) rappelle que la nature n’est pas un espace à gérer, mais aussi un lieu de vie pour des autochtones (étymologiquement : qui vient de la terre où il est) dans un équilibre dynamique et mesuré. Sa dimension sauvage, c’est à dire son irréductibilité à toute volonté et tout projet, est essentielle aussi.

Ma mission à l’UICN était de sensibiliser au forçage génétique. Qu’est-ce que le forçage génétique ? Sommairement, c’est une technique utilisant les nouvelles techniques de modification génétique (CRISPR, TALEN etc), qui consiste à insérer une séquence qui s’autorépliquera chez tous les descendants de façon exponentielle dans le temps. Elle est donc faite pour conquérir toute la population, sans limite. Pour un organisme génétiquement forcé et forçant, c’est donc près de 100 % de sa descendance qui aura la cassette génétique, contredisant donc les lois de Mendel. Si on inclut un gène qui tue les femelles, on a, in fine, éradiqué une population entière ! Il faut noter qu’un OGM conventionnel ne laissera sa construction génétique qu’à une moitié de ses descendants et un quart en deuxième génération. Leforçage est donc encore pire que les OGM. Résumons : le forçage permet soit d’éradiquer une population, soit de la rendre entièrement OGM.

Et l’UICN discute du forçage pour la conservation de la nature ? En fait, ils ont un bon exemple avec les rats dans certaines îles de Nouvelle-Zélande qui mangent les œufs des oiseaux endémiques qui n’avaient pas de prédateurs avant l’introduction catastrophique de rats ! Leur idée d’éradiquer ces rats est recevable, mais on peut leur faire plusieurs objections. La première est qu’ils prévoient déjà de l’appliquer à l’agriculture (où c’est irrecevable). La seconde est qu’il existe des alternatives. La troisième est que si un essai ne fonctionne pas (au sens où il n’éradique pas toute l’espèce), il peut laisser une population entièrement OGM. Enfin on peut s’inquiéter que le principal financeur du forçage génétique aux EUA est la DARPA qui assure la prospective pour les futures armes ! Eh oui, les recherches sur les OGM, ça sert aussi à faire la guerre !
Pour ce congrès, nous devions donc discuter du forçage (pour la conservation de la Nature !) parce que le précédent avait pris une résolution (n° 6.086) qui demandait à un comité extérieur de scientifiques d’investiguer l’utilité éventuelle de la biologie de synthèse et en particulier du forçage génétique pour la conservation de la nature. Ce comité a été formé avec les experts du forçage … qui ont mentionné les arguments en sa faveur, mais limité les arguments en sa défaveur. Eh oui, quand vous travaillez à quelque chose, il est plus difficile de le critiquer. Sinon vous quitteriez votre travail et un autre vous remplacerait !

Les négociations sur ce sujet ont profité de la ténacité de deux négociatrices qui travaillaient en duo. Elles ont gagné qu’une nouvelle évaluation, interne à l’UICN, soit faite avec toutes les parties, y compris des autochtones. Cependant, dans la motion votée1 les conditions d’égalité des genres arrivent en troisième position quand la question éthique arrive en dixième ! De plus, il est apparu pendant les négociations qu’une ancienne motion de l’UICN2 allait plus loin puisqu’elle préconisait un moratoire sur tout lâcher d’OGM pour la conservation de la nature. Nous avions donc voté un moratoire strict en 2003 et nous en sommes à négocier les modalités d’un lâcher à cause d’une motion intermédiaire (086). Quelles vicissitudes !

1https://www.iucncongress2020.org/fr/motion/075

2Motion 3.007 Moratoire sur la libération future d’organismes génétiquement modifiés https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/resrecfiles/WCC_2004_RES_7_FR.pdf

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