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Paris le 11 décembre 2023


Les OGM sont gérés essentiellement par la Directive 2001/18, qui fait suite à la directive 1990/220. Ces directives commencent par définir les OGM par la nouveauté et non naturalité de la technique qui les fabrique, sans jamais parler de transgenèse. Sur la base de cette définition, elles imposent

  1. une évaluation des risques des OGM ;
  2. la publication d'une méthode de détection ;
  3. les étiquettes sur les produits d'alimentation humaine (pas les cosmétiques etc !) ;
  4. un suivi post commercialisation.

La commission européenne a rendu public un projet de dérèglementation des nouveaux OGM (aussi appelés produit des Nouvelles Techniques Génomiques NTG) le 5 juillet dernier. Elle supprimerait les obligations 1 à 4 en ne laissant qu'une vague obligation d'étiquetage des semences que certains États menacent de retirer. La malhonnêteté de la Commission est telle qu'elle affirme sur sa page de FAQ qu'elle ne dérèglemente pas ! La présidence espagnole (au pouvoir depuis le 1 juillet 2023) tentait à marche forcée de faire avancer, voire voter, ce projet de la Commission avant la fin décembre.

Aujourd'hui, les ministres européens de l'agriculture ont contesté la proposition de la présidence espagnole de déréglementer largement la nouvelle génération de plantes génétiquement modifiées (les nouveaux OGM). La présidence n'avait pas la majorité requise pour l'"orientation générale". Ils ne sont donc pas d'accord même sur les grandes liignes ! Le manque évident de soutien des ministres [1] est un avertissement aux législateurs : ils ont été finalement sensibles au fait que

  1. les consommateurs n'en veulent pas (en France sauf le CNAFC et en Europe) ;
  2. les semenciers n'en veulent pas (en France et en Europe sauf en Espagne) ;
  3. les paysans n'en veulent pas (en France et en Europe sauf la FNSEA et leur anagramme M. FESNEAU, ministre français de l'agriculture);
  4. les distributeurs n'en veulent pas (en France et en Europe sauf Leclerc qui pense que les NTG seront moins cher et est obnubilée par les prix, mais pas par la qualité ni par l'information des consommateurs) ;
  5. les écologistes qui se préoccupent de la nature et de l'environnement n'en veulent pas.

La position du Ministre français de l'agriculture n'est pas claire. Mais de toute façon la présidence espagnole n'avait pas la majorité requise (même avec la France il manquait 6% des votes à l'Espagne).

De plus fort le coup de force consiste à remplacer une directive (qui laisse de la marge de manoeuvre aux Etats membres pour légiférer, voire pour interdire nationalement par une clause d'opt-out) par un règlement. Un règlement ne laisse plus de marge de manoeuvre aux Etats membres. La Commission en a informé la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Mais les Parlements français n'ont pas fait d'objection alors que plusieurs autres Parlements européens en ont fait. Même des groupes parlementaires isolés en ont fait en Hollande. Mais même les groupes eurosceptiques (RN, LFI) n'ont rien dit en France.

Ce projet aurait rendu possible


La présidence espagnole est allée jusqu'à promettre d'interdire de breveter les plantes issues de NTG1 [2]. C'est une promesse d'ivrogne puisqu'elle ne siège même pas à l'Office européen des brevets (OEB). Elle a aussi promis de faire une étude, mais pour un questionnement très restreint et sans aucun engagement pour les conséquences. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient.

Une étude récente [3] a montré que quand la règlementation, spécialement pour la nourriture, n'est pas fiable, cela fait douter de toutes les instances politiques. L'exemple est pris aux EUA, mais nous soutenons que ces assauts contre une chaîne agroalimentaire déjà défectueuse ne peuvent que faire douter de tous et encourager la lutte de tous contre tous et même de chacun contre chacun.
Le ministre de l'agriculture autrichien Norbert Totschnig a dit que « L'industrie semencière et de la terre de petite taille est menacée par la monopolisation qui pourrait prendre place ici. [...] Cela pourrait nous mener à avoir encore plus de dépendances et encore moins de variétés semencières » [4].

Fait à Paris


[1] L'Allemagne et la Bulgarie se sont abstenues. L'Autriche, Croatie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie ont soulevé des préoccupations majeures.

[2] Wolf C. PUBLIC TRUST AND BIOTECH INNOVATION: A THEORY OF TRUSTWORTHY REGULATION OF (SCARY!) TECHNOLOGY. _Social Philosophy and Policy_. 2021;38(2):29-49. https://doi.org/10.1017/S0265052522000036

[3] « NGT plants, plant material and parts thereof shall not be patentable.» dans un des nombreux documents officiels

[4] https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/eu-ministers-fail-to-find-compromise-on-gene-editing/

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