Compte-rendu de conférence du 7 avril 2006.
La conférence-débat de ce soir est organisée dans le cadre du JIGMOD 2006 par l'association OGM dangers. Je tiens à préciser que la participation de nos conférenciers à cette journée internationale d'opposition aux OGM ne traduit pas d'opinion de leur part sur ce sujet.
Le titre de cette conférence est
La science est-elle chosifiante ?
Le cas des animaux transgéniques.
H. Le Meur : Nous avons le plaisir d'avoir ce soir trois conférenciers : Nicolas Chevassus-au-Louis, Armand Farrachi et Olivier Rey. Je les présenterai successivement avant de leur passer la parole et de commencer par un exposé liminaire.
Je vais maintenant donner la parole à Nicolas Chevassus-au-Louis qui est journaliste scientifique et auteur de plusieurs livres qui peuvent nous intéresser ce soir. L'un a pour titre Savants sous l'occupation : Enquête sur la vie scientifique entre 1940 et 1944 (Seuil) et le dernier a pour titre Les briseurs de machines, de Ned Ludd à José Bové (Seuil). Vous allez nous parler des interactions entre science et politique dans la période particulière de Vichy, mais on pourra aussi vous poser des questions sur les luddites.
N. Chevassus-au-Louis : La seconde guerre mondiale est une période troublée, une période extrême. On pourrait donc penser qu'elle n'est pas significative, mais au contraire, elle révèle ce que l'on ne remarque pas le reste du temps.
Alors que pendant la première guerre mondiale les Etats avaient envoyé les scientifiques au front, pendant la seconde guerre mondiale, les scientifiques ont passé l'essentiel de la guerre à l'arrière. Pourquoi ? Car il apparaît, et c'est une des leçons de la première guerre mondiale, que la science peut être la meilleure façon de gagner la guerre. Et les Etats de financer des recherches en agronomie (dans l'espoir de nuire aux récoltes de l'ennemi notamment), des recherche sur les combustibles (pour diminuer la dépendance énergétique par exemple), ...
L'essentiel de l'appareil de recherche s'est constitué pendant la seconde guerre mondiale. Vichy conserve le CNRS, créature honnie du Front Populaire, et crée les ancêtres de l'INSERM, de l'INSEE, de l'INED et de l'IRD.
Citons quelques-unes des inventions durant la seconde guerre mondiale : l'ENAC (ancêtre des ordinateurs), le radar, le moteur à réaction, les fusées, ... Ces inventions sont nées de cet effort de mobilisation des scientifiques par les Etats pour la guerre.
L'autre phénomène crucial et qui se fait en parallèle avec la même cause est une nouvelle organisation de la recherche. Le chercheur seul dans son laboratoire disparaît. Le projet "Manhattan" est le premier-né de ce qu'on a appelé ensuite la « big science ».
Je veux encore souligner trois points entre 1933 et 1945 sur la vie scientifique
allemande et il faut insister sur le fait que ce n'étaient jamais des
faits isolés, mais bien des constantes de la vie scientique allemande
DE LA PERIODE NAZIE :
- une idéologisation (la « physique juive », ...) ;
- La science sert à légitimer les catégories raciales : biologie, anthropologie, ... ;
- les expériences sur les détenus des camps de concentration.
La conclusion de la guerre n'a quasiment pas donné lieu à dénazification des scientifiques alors que l'administration (en France et en Allemagne) si ! Les plus grands scientifiques allemands ont été accueillis à bras ouverts par les américains (Von Braun constructeur des fusées V2) ou les russes. De même Gaston Julia, mathématicien français fait le déplacement en 1942 à Berlin pour affirmer son allégeance au National-Socialisme. Cela ne l'empêche pas d'être élu Président de l'Académie des Sciences de France en 1950. La science était donc un milieu encore plus protégé de l'Etat que l'administration.
Afin de mettre la science en dehors des débats et alors même que l'Etat la convoquait pour la guerre, on a revitalisé l'idée que la science serait neutre.
H. Le Meur : Merci de votre intervention. Je vous propose que nous passions maintenant la parole à Olivier Rey qui est chercheur et auteur de Itinéraire de l'égarement- Du rôle de la sciecne dans l'absurdité contemporaine (Seuil). Le compte-rendu est mis en lien car long :
H. Le Meur : Je vais maintenant passer la parole à Armand Farrachi qui est auteur de plusieurs livres sur la nature, les animaux et notamment la liberté dont Les poules préfèrent les cages (Albin Michel) ou Les ennemis de la Terre (Exils 1999). Le compte-rendu est mis en lien car long :
Intervention de Armand Farrachi
Il apparaît en essai de conclusion aux interventions que la science est influencée et influence la société. Elle n'est pas neutre et son histoire permet de mettre à jour certaines motivations des chercheurs corroborées par d'autres analyses. Le rapide tour d'horizon de ce qu'a déjà fait "la science" sur les animaux transgénique donne à penser que l'on doit prendre garde avant de laisser les chercheurs décider entre eux de ce qu'ils peuvent ou veulent faire.
Références
[1] Le système technicien. Paris,
Calman-Lévy, 1977, réédition Le Cherche Midi, coll. Documents,
préface de Jean-Luc Porquet, 2004.
Ellul : l'homme qui avait (presque) tout compris Jean-Luc Porquet Le Cherche-Midi
Editeur.
Cf. aussi http://www.ellul.org