Jean-Marc Reichhart
Responsable de la section Contrôle de l'Expression des Gènes de la Réponse Immunitaire et Reconnaissance du Non-soi,
Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire, biologie du développement animal.
http://ibmc.u-strasbg.fr/

Définition d’un OGM

Textuellement, un OGM est un Organisme Génétiquement Modifié. Nous sommes tous des OGM par rapport à nos parents et nos enfants sont des OGM par rapport à nous. Ce type d’OGM n’a jamais posé aucun problème. Ce qui semble poser problème aujourd’hui, c’est une catégorie d’OGM extrêmement précise : il s’agit de certains Organismes Génétiquement Modifiés par l’homme, et encore, pas tous.

L’homme modifie les plantes et les animaux depuis longtemps en leur ajoutant des gènes par croisement (ex. le blé, les légumes…). Pour les animaux, on croise les races entre elles de faĉon à sélectionner les descendants pour leurs qualités (races de chiens, de moutons…), mais on croise également des espèces entre elles, comme l’âne avec la jument pour obtenir le mulet. On peut noter, en passant, que ces animaux hybrides sont stériles, ce qui constitue une limite naturelle à leur dissémination. Cette limitation naturelle peut se comparer à celle que l’homme a imposée aux plantes transgéniques exprimant le gène " terminator " afin qu’elles ne puissent pas se reproduire en plein champ.

Plus récemment, le génie génétique (qui constitue une série de techniques simples d’ingénierie des gènes, c’est-à-dire de l’ADN) a permis le transfert d’un seul ou d’une série de gènes d’une espèce à l’autre.

Ce phénomène de transfert de gènes a lieu constamment dans la nature (sans intervention de l’homme), principalement pour les bactéries, qui échangent, acquièrent ou perdent des gènes de résistance aux antibiotiques ou de virulence. C’est ainsi qu’une bactérie très utile (nous en avons des milliards dans notre tube digestif), comme Escherichia coli s’est transformée en une bactérie pathogène : la fameuse souche 0157 : H7, responsable d’hémorragies intestinales. Ce phénomène a lieu également chez les animaux et l’homme, puisque des transposons ou des virus peuvent s’intégrer dans le génome d’une espèce pour être légués aux générations suivantes. L’exemple le plus connu est l’arrivée du transposon P (une sorte de fragment d’ADN anodin mais mobile) dans la mouche du vinaigre (Drosophila melanogaster). On a pu retracer l’arrivée de ce transposon dans l’espèce au cours du XXe siècle, puisqu’à l’exception des souches de laboratoire (préservées et isolées de la nature depuis 1910), toutes les populations naturelles de mouches ont été envahies. On ne trouve aucune drosophile dépourvue du transposon dans la nature.

Tout ceci est naturel, sans intervention de l’homme. Alors d’où vient l’inquiétude ? L’OGM qui nous inquiète est l’Organisme dans lequel l’homme a introduit, par génie génétique, un gène étranger. Cette opération s’appelle la transgénèse et elle est réalisable et quotidiennement réalisée pour les bactéries, les plantes et les animaux.

La transgénèse animale

L’opération consiste à introduire un gène de provenance quelconque dans un organisme qui sera génétiquement modifié. Cette opération peut avoir de très nombreux buts :

- Etudier le comportement du transgène dans son nouvel environnement génétique.
Ceci se fait couramment dans tous les laboratoires de recherche qui travaillent sur un animal modèle où la transgénèse est facile. Voici, par exemple, une mouche drosophile transgénique produisant une protéine verte fluorescente lorsque son système immunitaire est activé. Ici le transgène est un outil précieux qui permet de savoir d’un coup d’œil si la mouche se défend contre un microorganisme.

- Produire quelque chose dans l’animal transgénique.
L’idée ici est de faire produire par des organismes, des médicaments ou des substances d’origine humaine, importants pour le traitement de certaines maladies. Nous pouvons citer plusieurs exemples :
L’insuline humaine est produite par la société Eli Lilly dans des bactéries transgéniques portant le gène de l’Insuline humaine et produisant cette substance en abondance. Son impact dans le traitement du diabète n’a pas besoin d’être souligné. > Lilly France
L’hormone de croissance humaine nécessaire pour le traitement de certains nanismes, a été longtemps extraite de cadavres, avec tous les dangers représentés par les contaminations possibles de virus (sida, hépatite B) et de prions (Creutzfeld-Jacob). Aujourd’hui, cette hormone est produite par génie génétique dans un organisme approprié et les dangers de contamination sont éliminés. > Protropin
Lorsque les produits issus de ces gènes ne peuvent pas être fabriqués par les bactéries, ce qui est toujours la solution préférée (car la moins coûteuse), on sait construire des animaux transgéniques qui produisent les protéines d’intérêt dans leur lait. Selon les quantités, on s’adressera à la souris, à la brebis ou même à la vache. Ainsi, Ppl Therapeutics produit de l’Alpha-antitrypsine humaine (un inhibiteur de protéases) pour soulager les poumons des malades atteints de la mucoviscidose. Le produit est en phase clinique II et sera, si tout va bien, mis sur le marché.

- " Humaniser" un animal.
Un organe, qu’il soit humain ou animal, ne peut pas être transplanté dans n’importe quel donneur pour des raisons de compatibilité tissulaire. Le système immunitaire du receveur s’en débarrassera : c’est le fameux rejet des greffes. Nous n’avons pas assez de donneurs d’organes pour toute une série de raisons pratiques et philosophiques, ce qui entraîne la mort d’un certain nombre de malades tous les ans. Une idée remarquable a été de prendre le problème à l’envers et de construire des porcs (c’est le mammifère le plus proche de nous en ce qui concerne la taille des organes) contenant des transgènes codant les fameuses étiquettes de compatibilité tissulaire. Ces porcs, dont les organes ne seront pas rejetés par l’hôte, pourront constituer des donneurs parfaits.

- Produire un animal montrant, grâce au transgène une pathologie équivalente à une maladie humaine.
C’est l’utilisation des modèles animaux de pathologie humaine. Ainsi, on a récemment pu produire des mouches drosophiles atteintes de la maladie d’Alzheimer dans le dessein de mieux comprendre la genèse de la maladie mais aussi de pouvoir tester de faĉon simple, un certain nombre de médicaments potentiels.

Addendum
Dans tous les cas, ces animaux transgéniques sont incroyablement précieux à cause des sommes de travail et d’argent qu’ils ont coûtés et il n’y a aucun risque de les voir quitter les laboratoires où ils ont été créés.