OGM : refusons toutes les manipulations génétiques des plantes

Paru dans la revue L'Ecologiste n° 30 en décembre 2009

Hervé Le Meur, Philippe Mouchette

Pour la plupart des citoyens, les OGM sont associés à la seule technique de transgenèse. Cela n'a rien d'étonnant puisque, dès 1996, la bataille contre les OGM s'est principalement focalisée contre les plantes transgéniques. Même si les importations d'OGM destinés à la nourriture animale restent considérables en Europe, la mobilisation citoyenne a permis de suspendre dans plusieurs pays européens, dont la France, les cultures transgéniques sur leur territoire. Il n'en reste pas moins que des OGM se sont glissés incognito dans nos champs et dans nos assiettes. Comment est-ce possible ?

Selon la directive européenne 2001/18, il existe trois techniques permettant d'obtenir des OGM. Outre la transgenèse, qui consiste à prendre un gène dans un organisme (bactérie, plante ou animal) et le mettre dans un autre organisme, il y a également la mutagenèse et la fusion cellulaire. Bien qu'il s'agisse d'organismes génétiquement modifiés de son propre avis, la Commission européenne a décidé d'exempter ces deux dernières techniques des quelques rares limites à la validation, surveillance et étiquetage des OGM. Autrement dit, les maigres surveillances obtenues de haute lutte ne s'appliquent qu'aux OGM transgéniques. Pourtant, les plantes mutées et obtenues par fusion cellulaire, qui sont faites pour tolérer un herbicide ou être stériles, ne sont pas moins nuisibles que les plantes transgéniques.

En effet, avec la mutagenèse, on chamboule le génome, par une activité chimique (exposition à un agent mutagène) ou physique (surtout par irradiation), dans l'espoir qu'une mutation bénéfique d'un gène apparaisse. Bien entendu, le risque que ce soit un gène nuisible est tout autant probable ! Une étude a par exemple montré que l'insertion d'un transgène dans un riz a 25 gènes affectés quand le riz muté en a 51. (1) Quelles frappes chirurgicales ! Les risques sanitaires sont donc au moins aussi importants que pour les OGM transgéniques. Et les risques environnementaux sont les mêmes quand il s'agit d'une plante résistante à un herbicide, que cette résistance soit obtenue par transgenèse ou mutagenèse.

Quant à la fusion cellulaire, elle consiste à fusionner de force (choc électrique, ...) des génomes de plantes d'espèces différentes. Bien que ce soit de façon très différente, le concept de barrière d'espèce est bafoué à l'instar du cas de la transgenèse. La principale utilisation de cette technique est de transférer la stérilité mâle d'une espèce à une autre afin de produire de nouveaux hybrides pour forcer les paysans à racheter des semences chaque année. La stérilité mâle révèle bien que les « sciences de la Vie » (y compris dans le secteur public) travaillent à une « guerre au vivant » (2) dans laquelle certains veulent fabriquer la vie (3) et d'autres en contrôler la fertilité.

Ceux qui ont révélé ces « OGM cachés » (4) ont vite découvert que les chercheurs travaillaient sur ces techniques depuis quelques dizaines d'années. Autrement dit, les OGM ne sont pas partout mais presque, et il est toujours difficile de s'opposer à un ennemi omniprésent (5). Ainsi 80 % des choux sont des OGM issus de fusion cellulaire, comme la plupart des colzas. De même, Pioneer s'apprête à mettre sur le marché un tournesol OGM issu de la mutagenèse pour 2010.
Face à ces menaces, la résistance s'organise. La Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM), lors de son Assemblée Générale de 2008, a adopté unanimement une motion stipulant que « la fusion cellulaire (...) n'est pas compatible avec les principes de l'agriculture biologique ». En France, la FNAB a bien l'intention, dans un nouveau label à l'étude, d'interdire tout OGM et pas seulement les OGM transgéniques. Nous devons donc les soutenir dans cette exigence. De leur côté, les Faucheurs Volontaires ont décidé, lors de leur assemblée générale de 2009, d'inclure tous ces OGM cachés dans leurs objectifs de lutte. Il est sans doute aussi temps de réclamer clairement l'interdiction des OGM, toutes techniques confondues, et pas seulement un moratoire sur un OGM ou sur un autre.

Notes

(1) R. Batista et al., « Microarray analyses reveal that plant mutagenesis may induce more transcriptomic changes than transgene insertion », PNAS, 4 mars 2008, vol. 105, n° 9 3640-3645.

(2) Jean-Pierre Berlan, La guerre au vivant, Agone, 2001.

(3) C'est le sujet de la biologie synthétique qui reçoit de nombreux financements.

(4) Guy Kastler de Nature & Progrès, dès 2004, puis Inter Bio Bretagne ont alerté au sujet de la mutagenèse artificielle. L'Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB) s'est rapidement inquiété au sujet des plantes CMS (stérilité mâle cytoplasmique).

(5) « L'espoir de l'industrie est qu'avec le temps le marché soit tellement inondé [d'OGM] que l'on ne puisse rien faire d'autre que de capituler », Don Westfall, vice-président de Promar International, consultant en communication pour les biotechnologies, in 'Toronto Star', 9 janvier 2001.

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