Breveter des "gènes humains" ?

Dans le dernier numéro de Plein-Sud, M. Schoen a décrit ce qu’il voit des problèmes liés à la brevetabilité du vivant puisque c’est le sujet de sa thèse.

Il y parle de l’opposition grandissante à cette brevetabilité et cite la pétition de M. Mattéi contre les brevets sur les "gènes humains".

Le principal argument de M. Schoen est qu’il n’y a plus lieu à discussion puisque la directive européenne a été votée. C’est faire peu de cas d’une contestation populaire qui ira croissante. Et si c’est une réaction classique chez un industriel, on peut s’étonner de l’absence de sens politique du chercheur.

Tout d’abord, je ne peux qu’approuver la critique que fait M. Schoen des "gènes humains". Nous avons 95 (ou 99 selon les auteurs) pourcents de gènes en commun avec les chimpanzés. Cette distinction, promue par le professeur de médecine M. Mattéi, n’est donc qu’une façon d’utiliser la corde de la sensiblerie humaniste bon teint. Non, ce qui nous fait humains au niveau biologique est la combinaison de ces gènes, des différences mineures dans les parties mais qui font qu’un gorille diffère d’un macaque, qui font la différenciation des espèces. Le tout n’est pas la seule superposition des parties. Au niveau sociologique, c’est la culture qui intervient.

M. Schoen déduit de l’absurdité de ce concept qu’il accepte les brevets sur des gènes qui auraient pu être pris chez des humains au motif qu’on le ferait déjà sur des plantes et des animaux et qu’il n’y a pas de différence. On ne peut que craindre la réaction de ce chercheur si on généralise le clonage des plantes et d’animaux, attendu que les humains sont aussi des animaux ! Comment pourrait-il s’opposer au clonage des humains ? La trop grande pratique de cette technique et sa banalisation ferme les yeux du chercheur.

De plus, M. Schoen dit que ces monopoles temporaires (20 ans) encouragent les investissements industriels. J’avoue préférer des investissements publics, mais une étude du MIT a même montré (cf. www.freepatents.org) que les brevets diminuent la circulation de l’information et des techniques en cartelisant les connaissances. Il n’est d’ailleurs pas besoin de travailler au MIT pour s’en apercevoir. Quand Marie et Pierre Curie ont découvert les applications de la radioactivité à la médecine, ils ont choisi de ne pas breveter pour permettre un plus grand partage de cette découverte. Et cela a été le cas. Visiblement, la recherche publique (!) a bien changé qu’elle rêve de montagnes d’argent par des brevets et pas de soulager la souffrance ...

Plusieurs associations, dont OGM dangers, relaient un appel international contre les brevets sur tout gène ou séquence génique (notre page ou http://www.ecoropa.org/brevets). L’impossibilité de distinguer gènes humains et non humains nous force à défendre le vivant comme un tout, sans mettre à part certains êtres plutôt que d’autres. Nous défendons donc tout le vivant et pas la catégorie humaniste-bourgeoise de gène humain.

Une entreprise américaine a déposé un brevet sur une bactérie intervenant dans la propagation de la méningite. Si on trouve un médicament, ce brevet en rehaussera le coût ... empêchant ainsi des gens d’être soignés. De même le fluconazol est une médicament contre des maladies opportunistes du SIDA. En Thaïlande, il coûte 3 francs (non protégé par un brevet). Au Kenya, il coûte 140 francs, où le brevet est actif !

Bref, les brevets tuent des gens, mais augmentent les revenus des plus grosses sociétés et transforment notre santé en un enjeu économique et industriel. J’avoue être étonné que la Recherche Publique française travaille à nous faire accepter ce monde. Je crains que le rejet de ce monde ne suscite aussi un rejet de la recherche. Ce sera sûrement bien mérité.

Didier Gay

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