Des super "mauvaises" herbes
Depuis le début de l'opposition aux OGM, les écologistes soutiennent un raisonnement simple : si une plante possède un gène qui confère un avantage sélectif fort, comme par exemple la résistance à un herbicide total comme le roundup ou la liberty, le moindre transfert de ce gène vers une plante de l'environnement en fera une super "mauvaise" herbe. Ce transfert peut se faire de deux façons très différentes :
- La première consiste en un flux de gène. En gros c'est un croisement (contamination verticale) ou un gène qui passe d'une espèce à une autre (contamination horizontale). Ce second scénario est très nettement moins probable que le premier,mais le premier présuppose une proximité génétique (les deux espèces sont relativement proches comme le colza et la ravenelle) ;
- la seconde consiste à induire une forte pression de sélection en faveur de la multiplication de gènes de résistance à un herbicide à cause du sur-usage de cet herbicide. Ce sur-usage peut être soit classique,soit lié au fait qu'une plante est OGM résistante à cet herbicide (par exemple le roundup).
Ce raisonnement simple a toujours été balayé par les promoteurs des OGM, industriels, chercheurs du secteur public ou privé, et politiques.
Il avait déjà été dénoncé des colzas résistants à trois herbicides [Hall] qui résultaient d'un flux de gènes et nous avons déjà consacré une page aux contaminations.
Nous avons appris que 5.000 hectares de soja OGM ont été abandonnés en Géorgie (un des Etats américains) [cf. ajout plus bas pour une mise à jour] car une plante mutante (amarante réfléchie ou Amarantus retroflexus L.) a récupéré le gène de résistance au roundup que Monsanto avait mis dans le soja OGM vendu aux fermiers [1]. et chaque plante produit en moyenne 12.000 graines par an, et celles-ci peuvent rester en état de vie suspendue de 20 à 30 années avant de germer lorsque les conditions lui sont favorables.
Et une super "mauvaise" herbe de plus ... qui va encore proliférer l'année prochaine ...
Monsanto a déjà une solution. Un communiqué émanant directement de la firme annonce que les vendeurs incitent les agriculteurs à alterner Roundup et un autre herbicide comme le 2-4-D (acide 2,4-dichlorophénoxyacétique) [1]. Donc à utiliser un autre herbicide encore plus polluant ...
C'est bien la fuite en avant scientifique et technique qui laissera les paysans pieds et poings liés aux firmes que l'association dénonce depuis plus de dix ans.
Enfin, l'association veut insister que l'adjectif "mauvaise" accolée au nom "herbe" ne doit pas être pris en un sens moral. L'agriculture intelligente (celle qui utilise l'intelligence des paysans et non la force brutale des chimistes) sait utiliser ces "nuisances". On voit bien que les OGM ne sont pas qu'un choix d'agriculture, c'est aussi un choix sur la place de l'homme par rapport à l'industrie, de l'intelligence par rapport à la force brutale, bref, c'est aussi la place de la liberté humaine qui se dessine.
La seule solution est celle envisagée dans la pétition que nous promouvons demandant l'interdiction des OGM dans l'agriculture et l'alimentation.
Fait à Paris le 1er mai 2009
Ajout du 19 octobre 2010 : Un article de Le
Monde (19 octobre 2010) dit que
« Au bout de quinze ans d'usage intensif et exclusif du glyphosate, une
dizaine de mauvaises herbes, présentes à l'origine en quantités
modestes, sont devenues résistantes au produit. Dont Amaranthus palmeri
.../... " le mécanisme de la sélection naturelle a joué,
explique Ken Smith. /Dans la population initiale, certains individus étaient
naturellement résistants, ils se sont multipliés. ".
Quelque 6 millions d'hectares sont touchés dans vingt-deux Etats
américains, selon les dernières estimations, soit un peu moins
de 10 % des surfaces OGM du pays. Le sud-est des Etats-Unis, coeur de la production
de coton et de soja, est le plus concerné. Mais les herbes indésirables
gagnent constamment du terrain.
" Partout où il y a usage exclusif du glyphosate, le problème
se posera tôt ou tard ", affirme Claude Kennedy. »
La maladie se propage et nous donne (malheureusement) raison.
Ajout du 18 décembre 2013 : l'article scientifique de [Gaines] montre que le gène de résistance se trouve jusqu'à 160 fois plus que dans une plante normale (qui l'a, mais en si petite quantité qu'elle n'est pas résistante). L'article conclue que « it could threaten the sustainable use of glyphosate-resistant crop technology.» soit «cela pourrait menacer l'usage durable de la technologie des cultures résistantes au Roundup».
Ajout du 20 octobre 2014 : En 2010, Southeast
Farm Press a rapporté que le coût de contrôle des adventices
(parfois appelées mauvaises herbes) est passé de 25$ par acre
(=0,4ha) à 60, voire 100$ à cause de l'invasion par des amarantes
des champs de l'Illinois. Notons que l'Etat a dépensé 11 millions
de $ en 2009 (aux frais du contribuable qui doit en plus manger ces OGM !) pour
arracher manuellement ces plants des 400.000 hectares de coton !
Adam Davis (scientifique de l'université d'Illinois) a expliqué
dans une
conférence récente que cette amarante peut réduire
la production de soja de 78% et celle de maïs de 91%. Ces chutes de rendements
sont-elles prises en compte dans les gains de production que nous vendent les
promoteurs du privé comme du public des OGM ?
Aaron Hager, scientifique de l'université d'Illinois essaie de sensibiliser
les fermiers au fait qu'ils pourraient perdre
leur ferme s'il ne combattent pas l'amarante.
[Gaines] Gaines
TA, et al. (2010) Gene amplification confers glyphosate resistance in
Amaranthus palmeri. Proc. Natl Acad Sci USA 107:10291034.
[Hall] Hall L, Topinka K, Huffman J, Davis L, and
Good A. 2000. Pollen flow between herbicide-resistant Brassica napus is the
cause of multiple-resistant B. napus volunteers. Weed Science 48: 688-694
[1] http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/botanique-1/d/ogm-la-menace-des-super-mauvaises-herbes-samplifie_19036/#xtor