Encore un sondage pour dire que les européens n'aiment pas les OGM !
Mais que font les politiques ?
Nous analysons ici le dernier sondage Eurobaromètre
2010 en français (la version
anglaise disponible ou une copie locale du français est ici).
Nous montrons qu'il montre une forte opposition aux OGM dans toute l'europe
(1), que plus on connaît de choses sur les OGM,
plus on s'y oppose (2) et que les sondeurs ont une intention
incompatible avec la neutralité d'un sondage (3).
On retiendra qu'au niveau européen (UE à 27 !), 61% des européens estiment quil ne faut pas encourager le développement daliments GM.
(1) Nous extrayons certaines des conclusions du rapport
:« les Européens ne perçoivent pas les bénéfices
des aliments génétiquement modifiés et les considèrent
comme risqués, voire dangereux. Les Européens ne sont pas favorables
au développement des aliments génétiquement modifiés.»
(p. 227) et «les Européens sont persuadés que leurs gouvernements
devraient prendre la responsabilité de veiller à ce que les nouvelles
technologies bénéficient à tous, mais ils ne sont absolument
pas convaincus que ceux-ci agiront en conséquence. » (p. 229).
Plus dans le détail, on retirnedra que le rapport met en avant et en premier que 53% des européens (au sens de l'UE des 27, donc très élargie) pensent que la biotechnologie et l'ingerierie génétique auront un impact positif pour notre façon de vivre dans les 20 prochaines années (c'est justement la thèse que défend comme une évidence le rapport dans son introduction, ce qui laisse planer un doute sur la sincérité, d'autant que les résultats exposés plus loin sont un peu contradictoires). Ce chiffre varie de 79% (Islande) à 38% (Bulgarie) avec une valeur moyenne pour la France de 55% (p.11). Seulement 20% (19% pour la France p. 11) pensent que l'impact sera négatif (p.9). Cela semble en contradiction avec les données ci-dessous ...
84% des européens (UE27) ont entendu parler des aliments GM (p. 13). Mais cela va de 49 % (Malte) à 96% (Norvège) avec une valeur moyenne pour la France (86%) (p. 13).
Environ 66% (UE27) de ceux ayant déjà entendu parler des OGM en ont parlé avec des amis (65% en France) (p. 16). Il est intéressant de noter que seulement 38% (UE27) ont cherché des informations sur l'internet (37% en France), ce qui montre que c'est en discutant avec nos voisins et amis que l'on peut le mieux convaincre si on ne les braque pas !
En page 19, on trouve un tableau qui résume très bien le sondage. On y trouve que
- pour 70 % des européens (74% en France p. 27), les aliments MG sont fondamentalement non naturels. Un nombre étrange de 20% des européens (16% en France p. 27) pensent que non (donc qu'ils seraient naturels !) ;
- Pour 57 % des européens (UE27) (44% en France), les aliments MG profitent à certains, mais exposent les autres à des risques (25 % ne sont pas d'accord (37% en France p. 26)) ;
-
54% des européens (55% en France p. 22) pensent que les aliments MG ne sont pas bons pour eux et leur famille (30% (27% en France p. 22) ne sont pas d'accord) ;
-
22% des européens (UE27) (16% en France p. 30) pensent que les aliments MG sont sûrs pour sa santé et celle de sa famille (59% (62% en France p. 30) pensent qu'ils ne sont pas sûrs et 19% ne savent pas) ;
-
21% (11% en France p. 25) pensent que les aliments MG sont sûrs pour les générations futures (58% sont en désaccord (71% en France p. 25) et 21% ne savent pas (18% en France p. 25)) ;
-
31% (25% en France p. 21) pensent que les aliments MG sont bons pour leur économie nationale (50% (57% en France p. 21) qu'ils ne le sont pas) ;
-
23% (14% en France, 82% en Grèce et 35% au Royaume-Uni p. 35-36) pensent que le développement des aliments MG devrait être encouragé (61% (71% en France p. 36) pensent le contraire et 16 % ne savent pas) ;
-
43% (38% en France p. 22) pensent que les aliments MG aident les gens dans les pays en développement (mais ont-ils consulté nos FAQ ou lu notre livre ? :) et 37 % (42% en France p. 22) ne le pensent pas.
(2) Prenons exemple de l'affirmation : « Les aliments
GM sont sûrs pour les générations futures ». Les analystes
du sondage disent que « les cadres .../... [à 64%], ceux qui ont
connaissance de lexistence des aliments GM et les utilisateurs quotidiens
dinternet (61% dans les deux cas) sont les plus susceptibles de ne pas
être daccord sur le fait que aliments GM sont sûrs pour les
générations futures.» (p.29). Cette généralité
se retrouve à chaque analyse de réponse (pp. 20, 21, 24, 29, 28,
32) et l'on note que ceux qui ont des connaissances scientifiques, les femmes,
les plus agés, ou les croyants sont plus opposés aux OGM. On comprend
mieux pourquoi les chercheurs de l'INRA ne participent pas aux débats
avec nous !
Pourtant, nous citons l'introduction de l'analyse du sondage : «Les citoyens
qui ont poursuivi leurs études jusquà lâge de
20 ans ou plus, les étudiants, les personnes qui utilisent quotidiennement
internet, les cadres et ceux qui se considèrent eux-mêmes comme
étant en haut de léchelle sociale sont plus enclins (60%
ou plus) à juger que leur influence est positive et sont moins nombreux
à déclarer ne pas avoir dopinion. » (p. 12 dans l'introduction).
L'introduction dit donc à peu près le contraire. Il est vrai qu'elle
est rédigée par les administratifs et pas par les statisticiens.
C'est déjà un énorme biais.
(3) Ce rapport validé par les instances politiques est biaisé par des a priori. Par exemple le rapport affirme, citant le centre de recherche commun de la CE [JRC_10], que « Les biotechnologies peuvent être considérées comme l'un des principaux moteurs de la santé et du bien-être des citoyens européens». Pourtant, ce même sondage demande aux européens ce qu'ils pensent de cette affirmation et 54% des européens (55% en France p. 22) pensent que les aliments MG ne sont pas bons pour eux et leur famille !
Autre exemple, le rapport dit dans son inrtoduction (p.3) « Les biotechnologies
en soi nont rien de nouveau : lutilisation des
systèmes biologiques pour la fabrication de produits était connue
des civilisations anciennes. On a en effet retrouvé des traces de la
connaissance qui permet de croiser les espèces animales et les plantes
pour mieux répondre à un besoin particulier jusque dans lÉgypte
antique.» Tel que c'est rédigé on pourrait croire que les
anciens arrivaient à croiser des plantes et des animaux, ce qui est clairement
faux. En fait c'est une mauvaise traduction de la version anglaise qui est moins
ambigue et dit que les anciens savaient croiser entre eux des plantes ou, séparément
(mais c'est nous qui ajoutons car la rédaction n'est pas 100% claire),
des animaux. Pourquoi cette citation est malhonnête ? Parce qu'elle assimile
la sélection des espèces, c'est à dire une pratique plurimillénaire
aux biotechnologies. Surement pour mieux faire passer les secondes. La sélection
des espèces opère a posteriori alors que la modification
génétique opère a priori. Qu'a à voir le
fait de faire du pain et l'insertion d'un gène de poisson dans la fraise
? On pourra se reporter à nos FAQ
pour répondre à l'affirmation qu'on a toujours fait des OGM (et
donc que ca serait naturel ou pareil que ce qu'on faisait et donc sans nécessité
de se préoccuper).
La malhonnêteté appraît aussi dans la note 4 de la p. 4 où il est dit « Lingénierie génétique se distingue de lélevage / culture traditionnelle du fait que dans ce cas, les gènes de l'organisme sont manipulés de manière indirecte.». En fait, dans la sélection des espèces, les gènes ne sont pas manipulés. C'est pas pareil que d'être manipulés indirectement !
Paris le 27 février 2011
Références :
[JRC_10] http://bio4eu.jrc.ec.europa.eu/index.html