Loi contrefaçon pour les semenciers et contre les semences
Le 20 novembre 2013, sur proposition du sénateur R. Yung (PS), avec
le soutien du gouvernement Hollande-Ayrault et des sénateurs EELV, le
Sénat a voté une loi dite « contrefaçon ».
Cette loi vise à donner des moyens renforcés aux douanes pour
diminuer le marché des produits contrefaits, c'est à dire fabriqués
sans l'accord du titulaire d'un Droit de Propriété Intellectuelle
(DPI : brevet, marque, dessin,
). Les douanes pourront saisir, et
même détruire, les biens censés être contrefaits sur
la demande du titulaire du DPI.
Quel lien avec les OGM, les brevets sur le vivant et les semences ? Puisqu'il
existe des DPI sur des semences (brevets, COV), et puisque différentes
lois qualifient les semences de ferme (cf. définition) de contrefaçon,
le Sénat a condamné les semences de ferme et semences paysannes
(cf. définition) reproduites à la ferme à n'exister que
par le bon vouloir des entreprises semencières ou des titulaires de DPI.
De même, les animaux d'élevage et les Préparation Naturelles
Peu Préoccupantes (PNPP comme le purin d'ortie) sont tombés sous
le coup de cette loi.
Une sénatrice EELV (Hélène Lipietz) a même confirmé son vote après. La droite a aussi voté pour ce texte scandaleux !
De plus fort, le gouvernement a proposé aux députés qui
voulaient défendre les paysans de remplacer leurs amendements par l'amendement
suivant :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 623-24-1,
sont interdits, à défaut de consentement du titulaire du certificat
d'obtention végétale, la production, l'offre, la vente, la mise
sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation
ou la détention à ces fins du matériel de reproduction
ou de multiplication de la variété protégée. »
Or l'article L. 623-24.1 du CPI interdit totalement les semences de ferme. Cet amendement ne fait donc pas ce que le gouvernement disait puisqu'il réaffirme que si le titulaire du DPI n'y consent pas, l'usage des semences de ferme (et couvertes par un COV) est interdit ! Et la plupart des députés ont accepté, en échange de cet amendement, de retirer les leurs (sauf M. Le Cam du groupe CRC que l'on doit saluer !).
De plus fort, le lendemain (jeudi 21 novembre), les sénateurs ont voté un accord international sur le Brevet Unitaire Européen (BUE) qui fait par un autre détour de tout agriculteur qui conserve ses graines à titre de semence un contrefacteur dès que ses cultures sont contaminées par des gènes brevetés (idem pour les éleveurs et le matériel génétique animal, les ferments, levures, ).
Une même loi votée en 2013 en Colombie a permis à l'entreprise Monsanto (mais cela aurait pu être Limagrain) de faire saisir et détruire 70 tonnes de riz. Les émeutes qui ont suivi ont forcé le gouvernement à retirer cette loi.
Le scandale de cette loi est qu'elle retourne la charge de la preuve : il appartient au paysan de prouver qu'il a acheté des semences à un vendeur professionnel (donc des semences certifiées), mais les graines issues de ces semences étant des contrefaçons, il doit racheter ses semences chaque année Le rêve des semenciers conforté par le pouvoir politique !
Fait à Paris le 25 novembre 2013
Voir aussi notre page sur les semences
paysannes et de ferme.