Compte-rendu de la présentation de Marc Dufumier

(Conférence-débat du 15 mai 2002)

Il est difficile de discourir après André Pochon. Je n'ai pas son expérience d'agriculteur et je crains de vous paraître un peu trop agronome et professoral.

Une chose est sûre : ce ne sont pas les agronomes, ni les généticiens, qui ont inventé l'agriculture ; ce sont les paysans ! Depuis le néolithique et jusqu'à il y a très peu de temps encore, toutes les inventions dans l'agriculture ont été le fait des paysanneries. C'est un fait indéniable qu'il ne conviendrait pas d'oublier.

Le premier acte dans l'agriculture a consisté en la domestication d'espèces végétales et animales considérées comme utiles. Cela a commencé par la sélection des espèces, races animales et variétés végétales les plus adaptées aux écosystèmes dans lesquels on a voulu privilégier leur croissance et leur développement, pour répondre aux besoins de la société. Aujourd'hui encore, de nombreux paysans du monde s'efforcent, avant chaque cycle de production, de sélectionner les semences et les animaux reproducteurs dont on peut espérer que la descendance réponde bien aux besoins des populations ou aux exigences du marché (valeur boulangère, qualités organoleptiques, longueur des fibres textiles, etc.), compte tenu de l'environnement écologique dans lequel sont ensuite pratiqués les systèmes de culture ou d'élevage. Les généticiens appellent cela la sélection massale.

Depuis le néolithique, les agriculteurs ont donc ainsi créé de très nombreuses races et variétés, adaptées chacune à un écosystème particulier. Cela a duré des siècles ; et il en résulte aujourd'hui une multitude de variétés ou races différentes, qui portent d'ailleurs souvent le nom de localités, à savoir leur lieu d'origine. Sans doute êtes y vous habitués avec les races animales : la Charolaise, la Salers, l'Aubrac, etc. Mais il en est souvent de même avec les variétés végétales qui portent souvent le nom de terroirs, de bassins versants de leaders paysans, etc. En bref, une très grande diversité génétique adaptée à une large panoplie d'écosystèmes …

Le coton au Laos

Prenez l'exemple du coton au Laos : les cotonniers de ce pays sont presque tous velus. Le pays est riche en insectes piqueurs-suceurs, mais quand ceux-ci essaient de le piquer, ils n'y parviennent pas, à cause des poils qui les en empêchent. Voilà, ça fonctionne ainsi au Laos. Ce n'est pas comme les cotonniers transgéniques qui tuent. Ces cotonniers transgéniques, au troisième rang, en importance, parmi les OGM, contiennent en effet une toxine faite pour tuer les animaux nuisibles à la culture. Sauf que dans une population d'insectes piqueurs-suceurs, il se peut qu'il y en ait qui résistent à la toxine. Alors, ils prolifèrent, et cela d'autant plus que l'usage du cotonnier transgénique est généralisé. Et c'est ce qui commence déjà à se produire en Chine et en Inde. Ah ! bien sûr, pour les vendeurs d'insecticides, ce n'est pas trop mal. On nous avait dit que les OGM éviteraient l'emploi des insecticides usuels, mais finalement, on peut se retrouver dans l'obligation d'en employer d'autres.

Deux conceptions de l'agronomie

Il existe bien deux façons différentes de concevoir l'agronomie : la première consiste à s'adapter, autant que faire se peut, aux conditions écologiques prévalentes dans les régions de culture et d'élevage : adaptation aux sols, aux micro-climats, aux prédateurs, aux insectes, aux " mauvaises " herbes, etc. On essaie alors de faire en sorte qu'au sein de ces écosystèmes, on parvienne à tirer au mieux profit des cycles du carbone, de l'azote et des éléments minéraux, pour la production de calories alimentaires, protéines, vitamines, minéraux, fibres textiles, molécules médicinales (etc.), aux moindres coûts. On essaie alors de ne pas tout détruire autour des cultures et des troupeaux domestiques. Très différente est par contre la conception qui consiste à vouloir ne sélectionner qu'un nombre très limité de races et de variétés " standards ", quitte à devoir à chaque fois artificialiser et homogénéiser de façon draconienne les environnements dans lesquels on envisage leur élevage ou leur mise en culture.

Les risques de la monoculture

Mais cette deuxième conception n'est pas sans danger : La monoculture consiste par exemple à simplifier inconsidérément les écosystèmes (une seule plante sans aucun concurrent ni ravageur) et contribue donc à les fragiliser à outrance. Ainsi, sur la plaine littorale de l'océan Pacifique, au Nicaragua, on s'est retrouvé dans l'obligation de procéder jusqu'à vingt-six (26) épandages d'insecticide annuels. Evidemment, il est apparu des formes d'insectes résistantes à ces insecticides. Et bien sûr ce sont les mêmes formes qui résistent aujourd'hui à la toxine qu'on a introduit dans les cotonniers OGM. Cela, c'est la catastrophe ! A quoi s'ajoute le fait que les passages répétés des tracteurs et engins à disques ont contribué à accélérer l'érosion des sols. Le résultat est qu'on ne produit plus de coton dans cette région, pas plus que dans les anciennes zones cotonnières du Salvador et du Guatemala. Hélas, il n'est pas facile de produire autre chose une fois que les écosystèmes sont ainsi détruits. Dans cette région d'Amérique Centrale, initialement fertile, il ne reste plus aujourd'hui que des friches herbacées et quelques prairies destinées à l'élevage bovin extensif pour de grands exploitants latifundiaires.

L'abattis-brûlis

Autre incompréhension entre les paysans et certains agronomes peu éclairés : l'agriculture sur abattis-brûlis. Depuis déjà très longtemps, nombreux sont les agriculteurs qui pratiquent cette forme d'agriculture dans les régions forestières du Tiers-Monde : les agriculteurs abattent un pan de forêt en saison sèche, brûlent les bois après leur dessèchement et sèment directement les graines sur leurs cendres. Certains disent qu'il faut interdire cela, au nom de la protection de l'environnement. Mais c'est souvent une très grave erreur ; car si on brûle effectivement les bois, on n'essouche pas pour autant les espaces essartés et on laisse la forêt reprendre ses droits après une, deux ou trois, années de culture. L'ombre de la forêt dense est en réalité un moyen de lutte contre les " mauvaises herbes ", dans ces régions où les agriculteurs ne disposent même pas des outils nécessaires à leur enfouissement ; et cela sans le recours un quelconque herbicide ! Après plusieurs années de recrû arboré, et du fait de l'importance de l'ombrage procuré par la forêt dense ainsi reconstituée, les agriculteurs n'ont plus à craindre de " mauvaises herbes " sur les terrains qui viennent d'être essartés. Les graines de graminées qui ont éventuellement envahi les parcelles au cours du cycle de culture précédent ont en effet depuis lors perdu leur pouvoir germinatif.

Après l'abattis-brûlis d'un recrû forestier de plus de quinze ans, le terrain ouvert à la culture est redevenu " fertile " car les arbres ont entre-temps, avec leurs racines, puisé une grande quantité d'éléments minéraux en profondeur ; et les feuilles qui sont tombées à terre, une fois décomposées par les microbes du sol, fournissent une matière organique que les vers de terre ne manquent pas d'enfouir dans les couches superficielles, maintenant ainsi un taux d'humus suffisant. Les paysans peuvent alors cultiver leurs plantes pendant quelques temps, jusqu'à ce qu'apparaissent de trop nombreuses " mauvaises herbes ", et laisser ensuite de nouveau les terres en friche pendant le temps nécessaire à leur disparition et à la reconstitution du taux d'humus. Cette méthode paysanne est savante car elle permet de lutter contre les mauvaises herbes et de reconstituer la fertilité des sols, sans aucun coût monétaire, du moins tant que les recrûs forestiers sont d'une durée suffisante ; c'est à dire tant que la densité démographique n'excède pas un certain seuil à partir duquel la durée des recrûs ne permet plus la reconstitution d'un couvert ombragé

Ceci étant, l'enherbement des parcelles est d'autant plus rapide que les recrûs arborés sont courts et fournissent moins d'ombrage. Le problème est aggravé quand il existe des savanes à proximité des parcelles périodiquement cultivées. Ainsi, ne conseillerais pas volontiers aux agriculteurs brésiliens d'aller plus en avant dans la forêt amazonienne, puisque l'invasion des parcelles essartées par les mauvaises herbes y est extrêmement rapide. Mais n'oublions pas que nombreux sont malheureusement les " caboclos " qui ne disposent que de machettes et de bâtons fouisseurs et n'ont pas les moyens de travailler les sols pour enfouir les herbes indésirables. Aussi sont-ils souvent contraints de céder les terres trop rapidement et intensément enherbées à de grands éleveurs, quitte à devoir aller défricher de nouveaux terrains en pleine forêt. Mais la terre n'est pas vraiment un facteur limitant au Brésil ; on pourrait éviter cette colonisation des " forêts vierges " si était menée une véritable réforme agraire, avec pour effet de redistribuer aux paysans pauvres les terres fertiles actuellement concentrées dans les mains d'une petite minorité de très grands propriétaires.

Une adaptation continue !

L'agriculture sur abattis-brûlis ne paraît donc adaptée qu'à des écosystèmes forestiers dans lesquels la densité de population n'est pas trop élevée. Ces systèmes ne paraissent pas durables lorsque la durée des recrûs ne permet plus de fournir une biomasse et un ombrage suffisants. Et bien figurez-vous que les sociétés paysannes ont pu très souvent inventer de nouveaux systèmes de culture et d'élevage extrêmement divers, pour contrecarrer cet inconvénient.

Ainsi en a-t-il été, par exemple, dans les régions où les agriculteurs ont mis au point des systèmes agraires dans lesquels ont été clairement délimitées trois catégories d'espaces complémentaires : un ager intensément cultivé (sans friches de longue durée), un saltus pâturé par les animaux et un espace forestier (silva) plus ou moins réservé à la chasse et à la cueillette. Tout ou partie des animaux qui se déplacent sur les pâturages durant la journée sont parqués à proximité des maisons et des espaces cultivés durant la nuit. Les déjections animales accumulées pendant le parcage nocturne servent alors aisément à la fertilisation des terres cultivées. De tels transferts de matières organiques depuis les saltus vers l'ager, via les déplacements d'animaux, permettent de reproduire la fertilité des terres régulièrement cultivées, avec des jachères de très courte durée.

Mais selon les régions, les paysanneries ont trouvé d'autres solutions pour faire face aux problèmes relatifs aux mauvaises herbes et à la reproduction de la fertilité des sols. Ainsi dans certaines régions de l'île de Sumatra, est-on passé directement de l'abattis-brûlis à des formes modernes d'agro-foresterie sans jamais passer par une période de savanisation. La solution a consisté à enrichir progressivement les recrûs forestiers spontanés avec plusieurs espèces arborées domestiques (le plus souvent des arbres à résines ou écorces utiles) et d'en protéger la croissance contre la concurrence des autres arbres. On peut ainsi observer aujourd'hui dans ces régions de véritables jardins forestiers où se côtoient plusieurs espèces arbustives et arborées en association avec des plantes d'ombrage à ras du sol. On n'y pratique plus jamais des coupes totales mais on y ouvre périodiquement de petites éclaircies dans lesquelles on implante aussitôt de nouvelles cultures. Ces systèmes présentent l'avantage de couvrir parfaitement les sols et de les protéger ainsi de l'érosion. On est alors passé d'une agriculture que certains qualifient encore de primitive, car elle suppose beaucoup d'espace pour permettre la reconstitution d'une forêt dense pendant quinze à vingt ans, à une forêt permanente, mais totalement cultivée, avec plus de 200 habitants au kilomètre carré. Il n'y a donc pas de désastre écologique écrit dans l'histoire pour peu qu'on laisse les populations d'agriculteurs inventer leurs propres méthodes d'agriculture, avec la possibilité d'en fabriquer ou d'en acquérir les moyens. Seule la pauvreté excessive de paysanneries brutalement soumises aux " lois " du marché international explique le fait que des paysans n'aient plus aujourd'hui les moyens de pratiquer par eux-mêmes des systèmes de culture et d'élevage à la fois productifs et respectueux de l'environnement.

En Asie

Et si vous allez en Asie, il y a des paysanneries qui ont trouvé encore autre chose : la rizière inondée de bas fonds. Les paysans aménagent des parcelles planes et entourées de petites diguettes dans les fonds de talwegs ou dans les plaines d'épandage de crues. Les eaux de ruissellement ou d'épandage sont systématiquement recueillies et enfermées quelques temps dans ces casiers qui constituent autant de petits bassins de sédimentation. Ainsi se déposent les particules de terres fines et les matières organiques apportées par les eaux. La nappe d'eau constitue par ailleurs aussi un milieu propice à la prolifération de microbes (les cyanophycées) ayant la capacité de fixer l'azote de l'air et de le restituer aux sols sous la forme organique. Ainsi donc se reproduit la fertilité de sols qui peuvent être désormais cultivés tous les ans sans apport d'engrais chimiques. Le repiquage de plants de riz de taille suffisante dans la nappe d'eau permet aux feuilles de riz de surnager et de continuer leur photosynthèse grâce à leur exposition à la lumière, sans pour autant craindre la concurrence de " mauvaises herbes " puisque celles-ci sont inondées par l'eau boueuse. La rizière est bien un écosystème hautement artificialisé, mais dans lequel la culture du riz peut être conduite durablement sans problème. Du fait que les paysans y ont pratiqué depuis déjà très longtemps une sélection massale, les variétés cultivées sont en général parfaitement tolérantes aux prédateurs et maladies environnantes dans chacun des lieux. On vit avec, sans dommage majeur.

En Haïti

Alors, là, en Haïti, on ne peut le nier, il y a de l'érosion. Mais c'est parce que les agriculteurs n'ont jamais pu dégager des revenus suffisants pour acquérir les moyens qui leur auraient été nécessaires pour mettre au point des systèmes de production agricole susceptibles de nourrir une population en croissance rapide. Mais là encore, ne nous y trompons pas : la paysannerie a su faire preuve d'une grande imagination pour inventer de nouveaux systèmes de culture et d'élevage ; le seul problème est qu'ils ont été contraints de le faire sans grands moyens, et donc dans une position défensive à l'égard des aléas climatiques et des risques économiques. Les paysans haïtiens sont des descendants d'esclaves très familiarisés avec l'économie de marché. Leurs ancêtres ont eux-mêmes été vendus comme de vulgaires marchandises. Et après l'indépendance acquise de haute lutte en 1804, ils ont pu cultiver, pendant un certain temps, de la canne à sucre et des caféiers pour le marché international. Mais soumis aux multiples prélèvements opérés par les commerçants usuriers et les gouvernements contraints de payer à la France le prix de leur " indépendance ", les paysans haïtiens n'ont jamais pu, quand la situation démographique l'exigeait, disposer des revenus suffisants pour acquérir les moyens qui leur auraient permis de réaliser des transferts de fertilité organique depuis les zones incultes vers les aires cultivées. Le passage de l'abattis-brûlis à la culture en continue s'est opéré au prix d'un travail toujours plus intense, pour éliminer les " mauvaises herbes, mais sans que la reproduction de la fertilité des sols puissent être correctement assurée.

Mais même comme cela, si vous regardez le champ d'un paysan haïtien, qu'observez-vous ? Dès qu'arrive la première pluie, il sème un peu de tout : du maïs, du sorgho, du haricot, du pois-Congo (une espèce de légumineuse légèrement arbustive) et quelques patates douces ou cucurbitacées rampantes, etc. Cela paraît fouillis et de nombreux agronomes ont qualifié ces systèmes de grappillage. Mais attention : dans le couple maïs-sorgho, si le temps est sec, c'est le sorgho qui l'emporte ; et si la pluviométrie est correcte, c'est le maïs qui s'en sort bien. Bref, quel que soit le temps, on a toujours un petit quelque chose. Les risques de récolte nulle sont infimes. A noter aussi que le sol est déjà tout couvert de végétation quinze jours après la première pluie. Il n'y a plus une goutte de pluie qui tombe directement sur le sol, au risque de provoquer une érosion intense. Rares sont aussi les rayons du soleil qui parviennent à terre ; la plupart sont interceptés par les diverses feuilles superposées et servent donc intégralement à la photosynthèse et à la production de calories alimentaires. Les bactéries qui vivent en synergie avec les légumineuses fixent l'azote de l'air et aident donc à la production des protéines. La ration alimentaire serait presque équilibrée si les paysans n'étaient pas contraints de vendre leurs légumes secs (haricot et pois-Congo), pour acquérir des vêtements, acheter des médicaments ou rembourser leurs dettes.

Ici encore, c'est très savant et cela n'a pas été une invention d'agronomes mais celles de paysans travailleurs. Malheureusement, c'est défensif et ne permet pas d'accroître les productions. Cela permet au mieux d'en maintenir le niveau ; car les conditions économiques sont très dures : pas de biomasse suffisante et absence d'animaux pour la production et les transferts de matières organiques susceptibles de maintenir le taux d'humus dans les sols cultivés.

Pas si bête le paysan !

Mais pour un agronome du Nord, les paysans n'en font pas moins des choses invraisemblables ! Ils mettent leurs graines de pois-Congo dans les mêmes trous que les semences de maïs. Alors, là, on se dit qu'il va y avoir de la concurrence entre les deux plantes, pour la lumière, l'eau et les éléments minéraux. A la question " pourquoi faites-vous ainsi ? ", la réponse est : " le maïs est mâle, le pois-Congo est femelle. Il faut donc les mettre dans le même lit pour que ça se féconde ". Risible ? Oui, à première vue ; car l'agronome sait bien que le maïs a ses propres fleurs mâles et femelles, et que chaque fleur de pois-Congo est à la fois même et femelle. Et on n'a jamais vu le pois-Congo fécondé par du maïs ! Si donc on veut jouer au technocrate méprisant, il suffit de dire que ces idiots ne connaissent rien à la botanique et refuser de porter attention à de tels propos. Mais je m'arrête là : car le problème est qu'ils ont raison. On a fait l'essai

Il nous fallait faire la comparaison des deux méthodes (semis dans les mêmes trous et dans des trous séparés). Car lorsque c'est toute une société qui parle ainsi, il faut la prendre au sérieux. Toute société a créé ses propres codes, des tabous, un imaginaire, une forme d'enchantement du monde [qui répond au désenchantement du monde que critique Max Weber], jusque dans l'éducation sexuelle des enfants. On nous objectera que c'est " traditionnel " ; et c'est vrai. Mais si cela dure depuis des siècles, et si les gens ne rejettent toujours pas la pratique, c'est que, peut-être, c'est efficace.

On a donc fait l'expérience : effectivement, lorsque les graines sont semées dans le même trou, le maïs fait d'abord de l'ombre au pois-Congo. Ce dernier développe moins vite sa partie aérienne mais davantage sa partie racinaire. Ainsi, au moins, le pois-Congo ne fait pas d'ombre au maïs et ne provoque aucun effet dépressif sur le rendement du maïs. Pour ce qui est des racines, le maïs a un enracinement fasciculé, le pois Congo a un enracinement pivotant ; ils sont donc complémentaires. De plus, en pleine saison des pluies, la concurrence pour l'eau n'est pas exagérée. Après la récolte du maïs, au moment où la saison sèche approche, le pois Congo se retrouve en plein soleil. Mais comme il a pu développer sa partie racina ire, il peut trouver de l'eau en profondeur et résiste bien à la sécheresse. Il y a donc encore de la photosynthèse pendant deux à trois mois après la fin de la saison sèche. Mais si on met les graines dans deux trous séparés, le pois Congo fait de l'ombre au maïs et diminue son rendement. Et comme il n'a pas développé suffisamment ses racines, il ne peut guère résister à la saison sèche : Rendement dérisoire !

J'ai appris la vraie agronomie auprès des paysans. Les concepts scientifiques m'ont sans doute aidé à mieux comprendre leurs pratiques et à interpréter ce qu'ils m'ont dit, à leur façon. Mais Il faut toujours être à leur écoute et en terminer avec cette prétention à vouloir imposer de l'extérieur des solutions standards.

La " révolution verte "

Parmi ces solutions standards, celles du type " révolution verte " vont à l'encontre de la biodiversité. Après la deuxième guerre mondiale, et plus encore après les années soixante, quelques fondations " à but non lucratif " (Rockfeller, Ford et Kellog's) ont promu la sélection et l'utilisation de variétés de céréales et de légumineuses dites " à haut rendement ". On n'avait pas froid aux yeux : car il s'est agi en fait seulement de variétés à haut potentiel génétique de rendement, c'est à dire des variétés qui pouvaient effectivement, mais sous certaines conditions, donner de hauts rendements. Annoncer que ce sont des variétés " miracles " n'en reste pas moins de l'ordre de la supercherie. De même que l'expression " variétés améliorées ", sans dire pour qui, pour quoi et dans quelles conditions elles pourraient éventuellement se révéler performantes. Car, bien sûr, si un paysan n'adopte pas de telles variétés meilleures, c'est que lui-même est pire ! …toujours le même mépris ! Que viennent faire des jugements de valeur dans un discours à prétention scientifique ? Mais vous verrez que l'on publie encore de nos jours des cours et des livres dont le titre est l'"amélioration variétale".

La vérité est que les variétés de la " révolution verte " ont été sélectionnées d'après leur haut potentiel de rendement photosynthétique à l'unité de surface : des variétés à paille courte et à feuilles érigées capables de bien intercepter la lumière et résistantes à la verse. On a travaillé surtout sur le maïs, le blé et le riz. La quinoa des paysans andins, le tef d'Ethiopie, le sarrasin chinois, le pois-Congo haïtien et les taros des îles du Pacifique, ont été superbement ignorés. Economies d'échelle obligent ! Il fallait ne sélectionner qu'un nombre limité de variétés dont la vocation étaient de s'imposer en toutes saisons et sous toutes les latitudes, indépendamment de celles de leurs lieux d'origine (le Mexique, les Philippines…). C'est d'ailleurs pourquoi on a essayé de sélectionner des variétés dont la croissance et le développement étaient insensibles aux variations saisonnières de la durée des jours et des nuits. Ceci étant, pour peu qu'on leur apporte des engrais, de l'eau et des produits phytosanitaires, il est vrai que les variétés de la " révolution verte " peuvent produire beaucoup de calories à l'hectare. Ce n'est pas faux, mais il faut alors les irriguer correctement et les alimenter abondamment en azote, en phosphore, potasse, …

Encore un point sur lequel je voudrais insister : dans les expérimentations destinées à comparer les rendements de diverses variétés, les scientifiques doivent fournir des moyennes de rendement dont les différences peuvent être considérées comme statistiquement significatives. Il faut en effet impérativement s'assurer que les écarts de rendement proviennent bien des différences entre variétés et ne résultent pas d'autres facteurs. Il n'est donc pas question qu'un bout de parcelle soit affecté par des nématodes, un autre par des sangliers, ou qu'il ait plus de cailloux à tel endroit. On risquerait alors de ne pas pouvoir interpréter correctement les différences de rendement observées. Mais la seule façon de comparer les variétés, " toutes choses égales par ailleurs ", et d'éviter les disparités dues aux cailloux, aux sangliers et aux nématodes, c'est de tout homogénéiser par le haut. Car on ne peut guère aisément homogénéiser les conditions d'expérimentation sur des terrains de collines plus ou moins pentues ou sur des terres inégalement caillouteuses. On a donc choisi de faire plutôt les essais sur des terres alluviales, parfaitement planes, profondes et bien drainées, sans caillou aucun, facilement irrigables, etc. Et pour s'assurer que les rendements ne proviennent pas d'une différence dans la qualité des terrains ou d'éventuelles attaques d'insectes ou de champignons, on a épandu des doses souvent élevées d'engrais chimiques et de produits phytosanitaires.

Ainsi pouvait-on dire que toutes les choses étaient " égales par ailleurs ". Mais les variétés testées ne purent donc exprimer pleinement leur potentiel de rendement que dans des conditions très proches de celles de l'agriculture nord-américaine ou européenne. Et ainsi en est-il encore aujourd'hui. Les paysans ne peuvent obtenir des rendements élevés qu'à la condition de reproduire les conditions qui ont prévalu dans les parcelles d'essai, c'est à dire en épandant de grandes quantités d'engrais chimiques, d'insecticides, de fongicides, d'herbicides, etc. A l'inverse des variétés " traditionnelles " qui avaient fait l'objet d'une sélection massale et pouvaient donc vivre avec les prédateurs de leurs zones d'origine, les nouvelles variétés de la " révolution verte ", cultivées en dehors de leur lieux de sélection, se révèlent souvent très sensibles aux ennemis des cultures, telles que les cicadelles attaquant le riz à Java. Ces variétés " passe-partout " ne purent donc aisément passer nulle part. Il fallut très vite faire de gros investissements en matière d'irrigation, de drainage, et d'équipements d'épandage.

En ce qui concerne les maïs, il a été très vite proposé des hybrides, dont la particularité est que les paysans doivent impérativement ré-acheter les semences tous les ans, au risque sinon de se retrouver avec des plants très hétérogènes et des rendements dérisoires. Autre problème : On a osé proposer de tels hybrides à des paysans haïtiens déjà soumis à la pression de commerçants usuriers et donc soucieux de pouvoir s'en soustraire ; de quoi les obliger à tomber de nouveau sous leurs fourches caudines ! Et ces hybrides de maïs à tige courte se sont retrouvés à l'ombre des pois-Congo ! En bref, totalement inadaptés au contexte haïtien ...

Des fondations à but non lucratif, mais pas si désintéressées ...

Ainsi fut la " révolution verte : les nouvelles variétés ne purent donner de hauts rendements qu'à la condition de reproduire artificiellement dans le Tiers-Monde des conditions proches de celle de l'agriculture nord-américaine. Mais au fait : la compagnie Rockfeller ne développe-t-elle pas d'abord ses activités dans la pétrochimie et la fabrication d'engrais azotés ?, Ford ne fournit-il pas des équipements agricoles ? et Kellog's n'est-il pas un maître dans la transformation des céréales après récolte ?

Finalement, cela ressemble à ce qui s'est passé en Bretagne et qui vient d'être exposé par André Pochon. Alors que des gens savaient pratiquer des systèmes fort divers, on les a embrigadés, par la force des choses, dans l'économie de marché, avec la complicité consciente ou inconsciente d'agronomes pour qui l'agriculture ne se développe de façon simple qu'avec des solutions standards ; des agronomes qui ont oublié que l'objet de travail des agriculteurs est toujours un écosystème complexe, dont la mise en valeur mérite un certain doigté.

Aujourd'hui, ce qu'il faut, c'est non pas prétendre que les agronomes et les généticiens vont trouver des solutions passe-partout aux problèmes des paysans mais se mettre à penser que c'est le paysan qui restera l'inventeur. Il nous faut repérer comment se constituent les rendements dans les parcelles paysannes, au fur et à mesure de la croissance et du développement des plantes cultivées, toutes choses inégales par ailleurs !

Un exemple en Mauritanie (Sorgho)

Et cela est possible : je vais vous donner un exemple en provenance de Mauritanie, sur la rive du fleuve Sénégal. Certains agriculteurs achetaient des charrues et équipements attelés. Le projet semblait donc marcher, puisque de nombreux paysans achetaient des unités de traction animale et s'efforçaient de trouver des fourrages pour leurs paires de bœufs, chose pas toujours aisée dans la région. Mais à la grande surprise, on a pu observer des paysans qui s'étaient procuré les équipements et continuaient de semer directement leur sorgho, comme autrefois avant la saison des pluies, sans labour préalable, et donc ne pas faire complètement usage de la culture attelée.

Il fut donc procédé à une étude pour en connaître les raisons : Enquêtes statistiques, calculs de rendement, enregistrement des dates de semis, mesures de la pluviométrique, relevés de la distance des parcelles aux villages, .. et une foule d'autres variables. On a cherché à quoi pouvaient être attribuées les différences de rendements entre parcelles. Mais autre surprise : la conclusion fut qu'il n'y avait aucun effet du labour sur les rendements, et aucun effet du semis précoce sur les rendements. Or cela faisait des années qu'on leur proposait de faire des semis précoces et de labourer à la charrue, ce qui semblait d'ailleurs leur convenir, au moins partiellement, puisque les paysans essayaient toujours de semer précocement et avaient acheté des charrues. On aurait donc pu croire que le projet ne servait à rien. Mais pour bien comprendre ce qui se passait, il nous a fallu procéder tout autrement et analyser comment s'élaboraient très concrètement les rendements dans les parcelles paysannes

On s'est alors aperçu que le semis précoce avant la saison des pluies était impossible à réaliser avec labour, car la force des bœufs était insuffisante pour tirer précocement la charrue dans des sols pas encore humectés. Donc le semis précoce n'était réalisé que directement sans labour préalable. Par contre, quand le front d'humectation est suffisant, il est possible de passer la charrue et de semer ensuite, ...mais tardivement. Donc les deux choses dont on pensait qu'elles étaient favorables à des rendements élevés allaient apparemment dans des sens opposés. Le labour ne peut aller de paire qu'avec un semis tardif. Les paysans savent que plus le sorgho lève tôt, plus ils ont de chances de le voir arriver à maturité avant l'arrivée de la saison sèche suivante. Par contre, le labour permet de continuer de semer, même tardivement, car il favorise l'infiltration de l'eau dans le sol et permet d'y constituer des réserves encore mobilisables en tout début de saison sèche : de quoi permettre aux sorghos semés tardivement d'arriver à leur tour à maturité, sans problèmes majeurs, ce qui aurait été impossible sans labour.

On avait conçu le labour à la charrue attelée pour accroître les rendements, ; mais les paysans l'ont utilisé pour élargir les surfaces cultivées, grâce à la possibilité de poursuivre les semis sur une plus longue période, sans craindre de voir périr les sorghos semés tardivement..

Une leçon de modestie

Pour comprendre à quoi étaient liés les rendements, toutes choses inégales par ailleurs, les étudiants en stage sous ma direction devaient mesurer la hauteur des plants de sorgho (tâche très pénible) sur les parcelles paysannes, de façon à vérifier que le nombre de grains par épi était bien corrélé à cette hauteur. Pour cette recherche, les agriculteurs nous avaient autorisé à faire des mesures mais restaient libres de conduire leurs sorghos comme ils l'entendaient. Curieux, l'un d'entre eux nous demanda " qu'est-ce que vous faîtes ? ". Il me fallait donc expliquer en termes simples pourquoi nous étions en train de mesurer la hauteur de la dernière feuille ligulée de ses plants de sorgho. Il a fallu simplifier, et cela d'autant plus qu'il y avait double traduction, du Français en Wolof puis du Wolof en Soninké. Et comment pouvait être traduit le mot " corrélation " en Soninké ? Je n'osais pas même l'imaginer ! J'ai seulement dit que plus le sorgho était haut, plus je pensais qu'il y aurait de grains, et inversement, plus les plants étaient petits, moins il devait y en avoir. Et le paysan de me répondre aussitôt (mais avant de nouvelles et longues traductions) : " Ah!, vous faites comme cela ? Nous, on regarde plutôt le diamètre des tiges ! ". L'année suivante, j'ai ramené des pieds à coulisses ; et il se trouve qu'effectivement le nombre de grains par épi est davantage corrélé au diamètre des tiges de sorgho qu'à leur hauteur. Les paysans, par leur expérience, peuvent nous apprendre beaucoup de choses ; et si nous avions interrogé celui-ci correctement, avant nos mesures, peut être nous aurait-il évité un travail fastidieux !. Ce sont les paysans qui, les premiers, en regardant périodiquement leurs champs cultivés, ont fait le lien entre le diamètre des tiges et le rendement en grains ; et même s'ils n'ont jamais vraiment mesuré une " corrélation ", peut-on dire pour autant qu'ils n'en maîtrisent pas le concept, à leur façon ?

Attention, donc, de ne pas mépriser les pratiques " traditionnelles ". Elles résultent en effet bien souvent de savoir-faire qui se sont imposés à la longue. Le scientifique peut être très utile s'il ne joue pas au scientocrate et cherche d'abord à rendre les choses intelligibles. On est déjà très utile quand on aide à mieux comprendre ce qui se passe. Je n'oppose donc pas le " traditionnel " au scientifique. Mais je pense que l'agronome peut aider utilement les paysans s'il les écoute attentivement et met ses compétences au service de l'analyse des résultats de leurs propres expérimentations paysannes, sans préjuger de ce qui serait " meilleur " pour eux. Si l'on refuse les dictatures, aussi bien celle des OGM que celle de la " révolution verte ", il ne fait aucun doute qu'il est possible aux agronomes d'aider les paysans à développer eux-mêmes leurs propres agricultures, sous des formes toujours originales, avec de réels accroissements de production, et dans le plus grand respect de l'environnement. Il n'y a vraiment pas de quoi désespérer.

 

Question : que répondre à ceux qui disent qu'avec l'augmentation de la population, il faudra des OGM pour nourrir la planète ?

Tout d'abord la plupart des OGM n'ont pas été vraiment conçus pour accroître les rendements et la production. Ils s'attaquent aux insectes, aux mauvaises herbes, ce qui permettrait surtout de réduire (provisoirement) les coûts et les temps de travail. Par ailleurs, tout accroissement de rendement suppose que les plantes soient bien alimentées en éléments minéraux ; et se pose alors le problème de la reproduction de la fertilité des sols. Ce problème est beaucoup plus important dans le Tiers-Monde que les questions de génétique.

Les OGM n'ont pas non plus été conçus pour les paysans les moins solvables de la planète. Ils s'adressent en premier lieu aux paysans riches qui peuvent ré-acheter chaque année des semences brevetées. N'oublions pas que les multinationales n'ont peut-être pas totalement renoncé au gène Terminator. Il faut donc rester vigilant.

Le mariage carbone-azote

Si l'on veut accroître la production agricole, il convient de créer les conditions les plus favorables à ce que le carbone soit fixé par les plantes, au moyen de la photosynthèse, et puisse servir à la production de calories alimentaires, conjointement avec la nutrition azotée des plantes pour la fabrication des protéines. Si l'on dissocie un processus de l'autre, il risque d'y avoir des déséquilibres. Ainsi donc, si l'on épand trop de nitrates dans un sol et que ceux-ci ne parviennent pas à être fixés dans les corps microbiens du sol, faute de paille (de carbone) pour en favoriser la prolifération, ces nitrates risquent d'être entraînés vers les nappes phréatiques. Il convient donc d'apporter des résidus de culture relativement ligneux (riches en carbone) pour qu'il y ait fabrication d'humus dans lequel sera aussi fixé l'azote.

Si l'on veut que les populations du Tiers-Monde produisent leur propre nourriture (et non pas qu'ils nous achètent nos surplus !), le principal objectif est de favoriser ce " mariage " du carbone et de l'azote. Il faut que pas qu'un seul gramme d'azote (particulièrement coûteux) rejoigne la nappe phréatique. Il faut que tout gramme d'azote soit digéré par des microbes qui, en mourant, donneront de l'humus. Celui-ci, en se minéralisant, restituera progressivement l'azote pour qu'il soit peu à peu absorbé par les plantes au moyen de leurs racines. Le rôle des microbes dans le sol est donc particulièrement crucial pour le maintien de la fertilité des sols. C'est très largement un problème d'équilibre entre carbone et azote.

Ceci étant, si l'on me demandait : " pourrait-on, au Vietnam du nord par exemple, du jour au lendemain, se passer des engrais chimiques ? ", je répondrais : " non, à mon grand regret ". Le drame est qu'à force de mettre des engrais azotés, on a considérablement diminué le nombre des cyanophycées dans les rizières. C'est à dire qu'on a diminué la population des microbes capables de fixer l'azote de l'air. C'est parce que l'on a orienté la recherche sur d'autres voies que, maintenant, on ne sait plus se passer des engrais chimiques. Mais dans les zones où le mal n'est pas fait, il y a urgence à ce que la recherche agronomique travaille aux méthodes qui éviteront cette dépendance. Il faut chercher en direction d'une plus grande intégration entre agriculture et élevage, un enracinement profond pour chercher les éléments minéraux en profondeur et les ramener en surface via la chute des feuilles, etc.

Il faut aussi laisser les paysans inventer leurs propres solutions. Les agronomes qui ont la chance de voyager peuvent utilement les aider à s'inspirer de solutions trouvées ailleurs, mais en sachant qu'aucune solution ne peut être ainsi transférée telle quelle et suppose donc une multitude d'adaptations aux conditions locales. C'est ce à quoi tend la chaire d'agriculture comparée dont René Dumont a assuré autrefois la direction à l'INA-PG. Ne jamais transférer une technique d'un endroit à un autre, mais accompagner la paysannerie pour qu'elle invente ou adapte les techniques en tenant compte des conditions locales. C'est la seule solution au problème de la faim dans le Tiers-Monde.

De même,  il ne pourra y avoir de solution à la faim dans le monde qu'en permettant aux pays du Tiers-Monde et à leurs paysans de se protéger des importations. Le prix d'un kilo de blé à Lima, pas si proche de l'altiplano andin où il est encore un peu cultivé, est le même que celui d'un kilo de blé produit aux EUA. Or la production par actif agricole est 500 fois supérieure aux Etats-Unis que dans l'altiplano andin. Même si le farmer nord-américain a des coûts bien supérieurs en intrants et en équipements et si seulement un cinquième de sa production représente une réelle valeur ajoutée, le rapport de productivité est encore de un à cent. Le campesino péruvien ne parviendra donc à vendre son blé à Lima qu'en acceptant une rémunération cent fois moindre à celui de l'exploitant nord-américain ! Comment pourrait-il ainsi gagner des revenus suffisants pour développer lui-même ses systèmes de culture et d'élevage ?

A quoi s'ajoute le fait que les Etats-Unis et l'Europe subventionnent leurs exportations agricoles, avec pour effet de faire baisser encore davantage les prix internationaux des céréales. Il convient de mettre fin à de telles subventions. Avec un marché mondial agricole au sein duquel les écarts de productivité sont de un à cent, c'est comme si on demandait à un coureur à pied de faire la compétition avec une automobile de course, Et avec les subventions à l'exportation des pays riches, c'est comme si on mettait en plus une peau de banane sous ses pieds ! Veut-on vraiment tuer les petits paysans ?

Fin de l'intervention

>>> Retour au répertoire Compte-rendus de conférences

>> entrée du répertoire Actions

> page d'accueil du site OGM dangers

> la page de notre moteur de recherches