Enjeux agricoles
Cette page concerne les enjeux des OGM pour le paysan, l'agriculteur ou l'exploitant agricole. Les enjeux environnementaux à proprement parler sont dans la partie qui leur est consacrée.
La liste des disséminations de gènes est traitée ici. Voyez aussi notre page sur les questions liées à l'apparition de résistances (aux toxines des OGM), liées aux pratiques agricoles d'OGM. C'est un sujet distinct de la contamination (par un gène de résistance à un herbicide par exemple). Vous pouvez aussi consulter notre page sur Terminator ou celle sur les semences.
Commencons par des généralités.
L'usage des OGM est la suite logique de l'usage des pesticides qui considère la terre comme un substrat devant recevoir les produits chimiques pour améliorer le rendement. Nous partageons l'avis qu'il était souhaitable d'augmenter les rendements dans l'après-guerre, mais nous partageons aussi l'avis que d'autres moyens eussent été possible, voire souhaitable (cf. la conférence de André Pochon). De toute façon, le problème actuel de l'agriculture au Nord n'est pas d'augmenter la productivité (ni même la production !), mais d'écouler. Les problèmes dans le Sud sont différents encore (cf. la conférence de Marc Dufumier de l'INA-PG et la page sur la faim dans le monde). Ci-dessous des arguments dans des deux cas : Nord et Sud.
Si l'on doit ne retenir que quelques arguments, nous vous proposons les suivants :
Don Westfall, vice-président de Promar International, consultant en communication pour les biotechnologies, Toronto Star du 9 janvier 2001.
- L'usage d'OGM contraint à utiliser une technique que l'agriculteur
ne maîtrise pas car il n'est pas biologiste moléculaire. De plus, le
semencier ne veut pas que le paysan qui a acheté des semences OGM
utilise ses grains ainsi produits pour les resemer car il ne
racheterait alors pas de semence. Il est alors logique (même si ce
n'est pas normal) que le semencier exige que le paysan lui revende
l'intégralité de sa production. Il peut même le faire en promettant
un prix de rachat qui attire un paysan voulant diminuer son risque.
C'est ce qu'on appelle la stérilisation par contrat ou
conventionelle, qui peut s'ajouter à une stérilisation
par brevet, voire biologique (Terminator).
Ce changement met le semencier en amont de la chaîne alimentaire, ce
qui n'est pas neutre tant politiquement
(surtout au Sud) que d'un point de vue agronomique ou économique.
Quelle sera la place des paysans s'ils deviennent dépendants des
semenciers qui sont nettement plus puissants que tous les
agriculteurs ? Sont-ils condamnés à n'être que les prolétaires des
semenciers ? Une telle dépendance est déjà odieuse au Nord, mais on
doit la combattre quand elle menace de s'abattre sur les paysans du
Sud, alors qu'on prétend les nourrir et qu'on les asservit en fait
(cf. le problème de la
faim dans le monde).
- Un syndicat de producteurs de maïs américain (National Corn Grower
Association) a bien résumé un argument d'opposition aux OGM. Quand
on leur dit que les OGM vont augmenter la production, ils répondent
que cela fait vingt ans qu'on leur promet que la production
augmente. Et elle augmente. Mais justement parce qu'elle augmente,
la production augmente et donc les prix baissent. Et donc leurs
revenus baissent. L'argument d'augmentation de la production leur
semble pas si désirable !
- L'agriculture telle que l'imaginaire collectif la garde en mémoire
est importante non seulement à maintenir (pas sous cloche !) mais
même à développer. En effet, elle matérialise un certain rapport à
la nature qui n'est pas de lutte contre, mais de coexistence
pacifique. C'est aussi à l'aune de notre travail de la nature que
nous pouvons mesurer le travail sur lui-même de l'homme qui lui a
fait améliorer sa condition depuis le néolithique. La nature comme
altérité est un peu ce qui nous permet de savoir ce que peut être
notre humanité ;
- L'agriculture du Nord produit plus que nous ne consommons. Quel en
est la conséquence ? Que les prix baissent et que la pression que
peuvent exercer les intermédiaires sur les producteurs est plus
grande. Afin de redonner son statut au paysan, plutôt que de le
subventionner pour son travail, ne serait-il pas mieux de le payer
de son travail ? Ici, un lien avec les problèmes du Sud clarifie les
différents acteurs.
Une association a consigné le prix d'achat par la Commission européenne d'un kilo de viande de boeuf. Comme c'étaient des milliers de francs CFA qui ne signifient pas grand chose pour nous, disons que c'était 17 unités. Le même kilo de viande de boeuf doit être exporté pour ne pas faire chuter le cours en Europe. La Communauté européenne l'exporte donc vers des villes comme Dakar, où le prix de revente était consigné : 10 unités. Enfin, il faut savoir que le coût de production au Sénégal est de 12 unités.
Résumons : la Commission paie le sur-coût de 17-10 = 7 unités. Grâce à cette subvention, les producteurs africains ne peuvent pas être compétitifs et donc disparaissent. Par ailleurs, cela aide à habituer les sénégalais à manger de la viande comme les blancs. Tout le monde y perd :- le contribuable européen qui finance ce trafic ;
- le citoyen européen qui se retrouve à financer l'agriculture exporta trice qui pollue au lieu d'une agricuture qui polleurait moins ;
- le producteur africain qui ne peut être compétitif.
Pour ce qui concerne le Sud, et sans doubler l'argumentation sur la faim dans le monde, on doit dire :
- pour produire il faut de la terre, des semences, de l'eau et du
soleil.
- Au Brésil, les paysans ne peuvent pas avoir accès à la terre,
alors même que la loi les autoriserait à utiliser une terre si
elle n'est pas utilisée. Pourtant, ils ne l'appliquent pas.
Pourquoi ? Car les gros propriétaires terriens paient des
milices qui tuent les paysans qui s'installeraient sur des
terres (non cultivées !).
Certes ce problème est différent en Inde où la propriété est, d'abord, plus morcellée et plus transparente, mais on peut retenir que sans terre, un paysan est un SDF et on ne peut pas s'étonenr qu'il meure de faim.
Il est apparu récemment que des Etats du Nord et de grandes entreprises achetaient des terres au Sud afin d'y produire des matières végétales destinées à leur propre consommation. Ainsi 1 millions dhectare (ha) de Madagascar (ca a failli être 2,3 millions d'ha, mais cela a suscité une révolution), 690.000 ha au Soudan, 270.000 ha en Mongolie sont possédés par la Corée du Sud. De même 1,2 millions d'ha aux Philippines, 700 milles ha au Laos sont possédés par la Chine (qui n'a que 9% des terres arables, mais 40% de la population active agricole). De même encore, 1,6 million d'ha en Indonésie sont possédés par l'Arabie Saoudite. Et là, les titres de propriétés peu clairs sont souvent détournées par les gros acheteurs, voire par les Etats pour confisquer les terres et les vendre au profit du pays du Nord !
On n'insistera jamais assez sur le fait que c'est une forme de colonialisme car le déséquilibre des monnaies fait que les achats peuvent sembler pour des prix importants pour les locaux du Sud, mais sont dérisoires pour des pays à forte monnaie. De plus, ces achats sont destinés à faire produire des matières agricoles par un pays sans que ce pays puisse les consommer puisqu'ils sont destinés à être exportés au Nord. C'est ainsi qu'on peut avoir un pays dans lequel la population meure de faim mais que ce pays exporte des matières agricoles ... Est-ce juste ?« Le jour où la première moissonneuse paraîtra dans nos campagnes sera celui qui marquera la fin de l'indépendance des laboureurs ». Le même article explique que pour les gros propriétaires ruraux, les machines doivent « affranchir les cultivateurs du despotisme organisé par les manouvriers».
journal de Chartres, 1859, cité in Face au monstre mécanique F. Jarrige, IMHO 2009. Alors, qui soutient encore que la technique est neutre quand ses promoteurs expliquent qu'elle vise à se débarasser de ctte sale engeance que sont les ouvriers ? - Sans semences, et surtout sans diversité de semences, les
paysans ne peuvent pas produire et donc manger. Il faut donc
rappeler aux paysans que les semences dont ils ont besoin sont
les semences de cultures vivrières (ce qu'ils mangent) et non de
cultures de rente (ce qu'ils peuvent envisager de vendre sur un
marché souvent global comme c'est le cas avec le coton). On le
voit bien en Inde où des semenciers (qui, ô surprise font aussi
des OGM !) ont incité il y a plusieurs années les paysans à
cultiver du coton au lieu des cultures vivrières car les cours
étaient hauts. Mais comme ces semenciers ont incité presque tous
les paysans du monde (y compris en Afrique et particulièrement
au Mali), la production a augmenté fortement. Mais si la
production augmente fortement, les prix ... baissent fortement.
et donc les paysans peuvent en arriver à ne plus pouvoir gagner
assez. Mais comme ils ont supprimé leurs cultues vivrières, ce
qu'ils ne peuvent pas acheter n'est pas compensé par ce qu'ils
produisent puisqu'ils ont basculé en cultures de rente et non
vivrière. Notez que le semencier, lui, mesure son bénéfice au
nombre de semences de coton vendues et pas au cours du coton.
Son intérêt est donc que la production soit forte (et donc les
cours bas !).
- Il faut de l'eau et elel est parfois accaparée par certains gros propriétaires. Ou tout simplement rare et là il n'y a rien à faire qu'essayer de faire avec l'eau disponible !
- Pour le soleil, fort heureusement, il ne peut encore être détourné et est donc partagé (selon aussi la propriété foncière !).
- Au Brésil, les paysans ne peuvent pas avoir accès à la terre,
alors même que la loi les autoriserait à utiliser une terre si
elle n'est pas utilisée. Pourtant, ils ne l'appliquent pas.
Pourquoi ? Car les gros propriétaires terriens paient des
milices qui tuent les paysans qui s'installeraient sur des
terres (non cultivées !).
- Sans contrôle de ce qui entre dans le pays, le "marché" n'est pas honnête. En effet, le riz américain est sursubventionné et arrive environ 200 fois moins cher que le coût de production en Casamance (source = Prof. Marc Dufumier INA-PG). Les exportations vont donc saper le développement agricole. Et en plus, elles se présenteront comme une aide au développement ! Il faut donc autoriser les pays du Sud à une forme de protectionnisme ! D'ailleurs, la PAC n'en est-elle pas une ?
La meilleure solution du point de vue agricole et environnemental est de recourir à l'agriculture biologique ou biodynamique puisqu'elle s'interdit de recourir aux pesticides de nature chimique (les pesticides naturels sont autorisés si ils ne sont pas polluants). Cf. notre page sur la comparaison entre agriculture biologique, biodynamique et conventionnelle (c'est à dire chimique).
N'hésitez pas à nous soumettre un autre enjeu !