OGM et faim dans le monde
« La biotechnologie agricole pourrait mettre fin à la famine » [1]
« CRISPR-Cas présente un avantage par rapport à la sélection végétale classique, car il permet de modifier rapidement et efficacement les caractéristiques des plantes, par exemple pour compenser les effets du changement climatique. », [2]
Les OGM pourraient-ils résoudre la faim dans le monde ou aider à la résoudre ?
A l'évidence la réponse à la première question est non. D'ailleurs, même si c'est le titre de la dépèche de presse citée en exergue, son texte est moins délirant. La "sous-secrétaire d'état adjointe aux affaires africaine" (sic !) rapporte que les quatre dirigeants africains qu'elle a invités à sa conférence se sont dits convaincus que la « biotechnologie agricole et [...] la science en général peuvent aider à mettre fin à la famine en Afrique.»
Nous ne répondrons pas à l'affirmation que les OGM résoudront la faim dans le monde car elle est clairement stupide. Venons-en donc à l'affirmation que les OGM pourraient aider à résoudre la faim dans le monde.
Si j'apprends à un homme à pêcher, je le nourris toute sa vie.
Si je lui prête de l'argent pour acheter un chalut du dernier cri de la technologie, pendant six mois, il pourra exporter. Et après, il reviendra manger dans ma main pour exploiter une autre de ses ressources et les faire finalement toutes disparaître.
Cf. nos motivations humoristiques
Il faut déjà assurer qu'il n'y ait plus de brevet sinon les PGM
seront une façon d'extorquer du Sud des revenus.
Il faut aussi s'assurer qu'il n'y ait pas de risque alimentaire.
Il faut aussi s'assurer que les PGM ne puissent pas contaminer les
plantes locales.
Il faut aussi s'assurer qu'il n'y a pas de stérilisation (du genre de
Terminator) dans les PGM qui seraient proposées aux paysans du Sud.
Avec toutes ces restrictions (que les biotechnologues ne sont pas prêtes à accepter), qu'en est-il ?
Il faut en fait revenir à pourquoi la faim est endémique dans certains pays. En fait, il existe des pays où les gens meurent de faim alors que le pays exporte des produits agricoles. Imaginons ce qui arriverait dans un tel pays si l'on double la productivité de l'agriculture. Eh bien ceux qui exportent (et qui n'ont vraiment pas faim !) doubleraient leurs bénéfices. Si les gains de productivité se font au détriment du recours à la main d'oeuvre, les pauvres auraient encore moins de travail. Ce qui les nourrirait encore moins ! De toute façon, ce ne sont pas eux qui profitent de ce doublement de la productivité.
En clair, plus que la question de la productivité, c'est la question de qui profite de la productivité. C'est aussi la conclusion des études de Amartya Sen (économiste indien qui a eu le prix Nobel en économie pour ses travaux sur la faim dans le monde) qui a montré en le chiffrant ce qu'on vient de montrer :
La faim ne résulte pas d'un défaut de production, mais d'un défaut d'accès à la propriété foncière, d'infrastructures minimales (routes, camions, ...) pour mieux répartir les écarts de production entre des régions, d'accès aux information, de démocratie, ...
Robert Fraley, vice président et directeur de la technologie (en 2004) d'une des plus grosses biotech semencière commentant le rachat par son entreprise d'une entreprise distribuant l'eau en Inde. Environment and Political Weekly 11 octobre 1997 repris dans The Hindu 1 mai 1999 Texte complet disponible
- 2013 : Une étude [Cassidy] montre
que les OGM ne répondent pas à la contradiction “moins de terre
agricole disponible, mais plus de bouches à nourrir”.
Le régime alimentaire des pays dits en développement se modifie ; ils consomment de plus en plus d’aliments d’origine animale (viande, lait, œufs). Or, la production de ces aliments-là nécessite souvent davantage de calories que ce qu’ils offrent en retour : pour la viande de bœuf, par exemple, le ratio est de l’ordre de vingt sur un.
L’utilisation des plantes GM comme agro-carburants et pour d’autres usages industriels
Au Brésil et aux États-Unis, en 2010, 6 % de la production agricole globale étaient des agrocarburants.
Pour l’instant, l’usage de cultures traditionnellement alimentaires pour faire tourner des moteurs reste cantonné à quelques pays, mais la tendance évolue rapidement (+ 450 % en dix ans).
Aujourd’hui, tous usages confondus, 9 % (en poids et en colories) et 7 % (en protéines) des cultures alimentaires ne servent pas à nourrir des humains.Les auteurs concluent qu’un changement dans la destination des cultures alimentaires (pas d’agrocarburants, moins d’alimentation animale) permettrait à l’humanité d’augmenter énormément la quantité de calories produites – et de nourrir 4 milliards de personnes en plus.
Ils soulignent également que deux cultures, le maïs et le soja, servent essentiellement à alimenter le bétail (74 % du maïs mondial) ou à l’industrie non alimentaire. Or, ces deux plantes représentent aussi la grande majorité des cultures GM dans le monde.
-
Une étude du 2 mai 2013 montre que « L'Argentine a perdu sa souveraineté alimentaire. Le modèle d'agro-export basé sur le soja, tel que configuré en Argentine est un modèle de développement socialement et écologiquement non soutenable ». Plus d'analyse (et la référence) sur notre page consacrée aux rendements.
- Au Kenya, des essais de patate douce OGM résistante à un virus,
conduits pendant trois ans, ont échoué. Cette patate douce était
sensible à des maladies virales. De plus, une variété
conventionnelle (en clair non OGM) donnait un meilleur rendement. La
patate douce OGM résultait d'un projet qui avait duré neuf ans,
couté 6 millions de dollars financé par Monsanto, la banque mondiale
(toujours prête à aider ... Monsanto), et le gouvernement américain.
Un gène codant pour la protéine d'enveloppe du virus était censé
apporter la résistance à ce virus. Cependant, les maladies virales
ne sont pas le principal ravageur de cette plante, mais plutôt des
insectes.
Cet exemple a couté cher, pris du temps (non utilisé à d'autres méthodes), et était censé prouver l'efficacité des OGM pour le Sud, ... Il montre l'inutilité de cet OGM. Et si on arrêtait de financer ces recherches au profit de recherches qui visent vraiment à l'autonomie des paysans du Sud ?
Source : The Nation 01/29/04, cited from GENET 02/02/04;
The New Scientist, Vol 181 No. 2433, 7 February 2004. La version anglaise est disponible sur notre site.
Références
[1] C'est le titre de la dépèche de presse disponible sur le site de l'organisme américain USAID. Version cache disponible.[Cassidy] Emily S Cassidy, Paul C West, James S Gerber and Jonathan A Foley, Redefining agricultural yields: from tonnes to people nourished per hectare Environmental Research Letters, Vol. 8 n. 3 (2013)
[2] John van der Oost et Louise O. Fresco, Waive CRISPR patents to meet food needs in low-income countries, Nature 597, 178 (2021) doi: https://doi.org/10.1038/d41586-021-02397-7
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