Les techniques dites d'édition du génome (CRIPSR,
TALEN, ...) font-elle ce que disent leurs promoteurs ?
Outre que nous contestons l'appellation ("édition du
génome"), la réponse est non.
L'élevage industriel de vaches (et donc aussi en partie de
taureaux) requiert des conditions de sécurité car les
vaches en espace trop contraint, peuvent se blesser de façon
involontaire ou volontaire car elles sont entassées dans des
conditions ignobles. Des scientifiques de l'entreprise
Acceligen,
filiale de
Recombinetics (Minnesota) ont donc
envisagé de mettre un gène qui induise que le taureau (et
les vaches engendrées par lui) soit sans corne.
L'entreprise a clamé qu'elle avait utilisé de l'«
édition de génome » (TALEN en l'occurrence et
probablement avec une transgénèse préalable) pour
insérer ce gène, puis cloner deux tels taureaux (!) ...
Elle affirmait en 2017 à Bloomberg que « Nous savons
exactement où le gène devrait aller et nous l'avons mis
à son emplacement exact » (We know exactly where the
gene should go, and we put it in its exact location en anglais sur
Bloomberg) et même que « Nous avons toutes les
données scientifiques qui prouvent qu'il n'y a pas d'effet hors
cible » (We have all the scientific data that proves that there
are no off-target effects en anglais sur Bloomberg).
De plus fort, Recombinetics soutenait que la régulation
américaine des animaux transgéniques par la FDA «
n'a aucun sens : les bovins sans corne fabriqués par
l'édition du génome sont identiques à ce que vous
pourriez obtenir par croisement de vaches laitières avec des
bovins sans corne naturellement» (source ici du MIT Technology review du 12
mars 2018, mais le texte complet est trouvable sur le net. En anglais : « says
that makes no sense; hornless cattle made with gene editing, it
argues, are identical to what you could get by crossbreeding dairy
cows with naturally hornless cattle»). En 2016, elle
demandait que la FDA considère ses animaux sans corne comme GRAS
- c'est à dire faits à partir d'ingrédients
"Généralement Reconnus comme [as] Sûrs", comme le
sel, le calcium ou l'ADN lui-même !
L'entreprise n'a fait aucune déclaration de cet animal OGM
puisqu'elle contestait toute régulation.
Cependant, Alison Van Eenennaam, vétérinaire à
l'université de Californie et collaboratrice de Acceligen
a transmis des éléments à la FDA pour savoir si les
animaux "en surplus" pouvaient aller à l'abattoir.
L'incinération coutant environ 1300 $/animal, elle
préférait que cela lui rapporte de l'argent en le vendant
en steacks plutôt que payer pour les incinérer. Elle a donc
envoyé le séquençage d'un taureau.
Les modifications génétiques ont elles été
faites « à [leur] emplacement exact » ?
Des scientifiques de la FDA se sont amusés à
vérifier le génome du taureau et ont publié leurs
résultats [Norris_etal]. Il
apparaît que
- Le génome du plasmide d'une bactérie utilisée
pour cette « édition de génome » avait
été inséré aussi (entier) ;
- Deux insertions du modèle de modification (template)
ont en fait été réalisées sur les deux
chromosomes (hétérozygote) ;
- Dans ce génome, un gène de résistance à
plusieurs antibiotiques (ampicilline et neomycine/kanamycine)
était resté.
Les scientifiques de la FDA signalent que « Les erreurs
d'intégration sont sous-rapportées » ...
Comme le disent les scientifiques de la FDA : « Les
exemples récents d'altérations non attendues
antérieures sont des réarrangements génomiques
complexes aux abords ou au site ciblé dans des expériences
d'"édition du génome" de mammifères [Shin_etal],
[Kosicki_etal]. Les
réarrangements complexes incluent des insertions, des
délétions, des inversions et des translocations qui ont
été très difficiles à détecter par
PCR ou des méthodes de séquencage d'ADN standard. ».
La scientifique de l'entreprise qui avait fait le premier OGM
commercialisé (FLAVR-SAVR par Calgene) est Belinda Martineau.
Comme nous, elle soutient que « La régulation de
tous les produits GM - incluant ceux dont le génome a
été édité- devrait être basée
sur le fait qu'ils ont été produits par des techniques
basées sur la pratique du laboratoire que nous ne comprenons
toujours pas bien » (Regulation of all GE
products–including those that have been gene-edited–should
be based on the fact that they were produced using lab-based
techniques that we still don’t understand very well) et ailleurs que « la régulation de
chacun des produits de ces techniques devrait être requise
et ils devraient être étiquetés.»
Conclusion : ces gens bardés de diplômes ne savent pas ce
qu'ils font, affirment le contraire et sont crus par nos dirigeants.
Par-delà les risques qu'ils nous font courir, nous refusons que
des animaux soient génétiquement modifés. Que ces
animaux soient humains ou pas. Il est anormal que des entreprises
puissent fabriquer des taureaux sans être forcées,
à tout le moins, de rendre public ce qu'elles ont fait.
Si les industriels, les chercheurs et les Etats veulent en autoriser,
nous exigeons donc aussi la publication de toute la technique
utilisée pour obtenir un nouvel organisme (méthode de
détection, étude de risque, traçabilité
etc).
Fait à Paris le 30 août 2019
Bibliographie :
[Norris_etal] Alexis L. Norris et al.,
Template
plasmid integration in germline genome-edited cattle, Biorxiv https://doi.org/10.1101/715482
L'article définitif est Norris AL, Lee SS,
Greenlees KJ, Tadesse DA, Miller MF, Lombardi HA. Template plasmid integration in germline genome-edited
cattle. Nat Biotechnol. 2020 Feb;38(2):163-164. doi:
10.1038/s41587-019-0394-6. Epub 2020 Feb 7. Erratum in: Nat Biotechnol.
2020 Mar 5;: PMID: 32034391.
[Kosicki_etal] Kosicki M., Tomberg, K.
& Bradley A. Repair of double-strand breaks induced by CRISPR-Cas9
leads to large deletions and complex rearrangements. Nat Biotechnol
36, 765–771 (2018).
[Shin_etal] Shin, H.Y. et al.
CRISPR/Cas9 targeting events cause complex deletions and insertions at
17 sites in the mouse genome. Nat Commun 8, 15464 (2017).