Pier Paolo Pasolini
On trouvera un commentaire plus général du même auteur sur un site canadien excellent.
« Si l'on observe bien la réalité, et surtout si l'on sait lire dans
les objets, le paysage, l'urbanisme et surtout les hommes, on voit que
les résultats de cette insouciante société de consommation sont les
résultats d'une dictature, d'un fascisme pur et simple. Dans le film
de Naldini', on voit que les jeunes étaient encadrés et en uniforme...
Mais il y a une différence : en ce temps-là, les jeunes, à peine
enlevaient-ils leurs uniformes et reprenaient-ils la route vers leur
pays et leurs champs, qu'ils redevenaient les Italiens de 50 ou de 100
ans auparavant, comme avant le fascisme. Le fascisme avait en réalité
fait d'eux des guignols, des serviteurs, peut-être en partie
convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de
l'âme, dans leur façon d'être. En revanche, le nouveau fascisme, la
société de consommation, a profondément transformé les jeunes ; elle
les a touchés dans ce qu'ils ont d'intime, elle leur a donné d'autres
sentiments, d'autres façons de penser, de vivre, d'autres modèles
culturels. Il ne s'agit plus, comme à l'époque mussolinienne, d'un
enrégimentement superficiel, scénographique, mais d'un enrégimentement
réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive,
que cette "civilisation de consommation" est une civilisation
dictatoriale. En somme, si le mot de "fascisme" signifie violence du
pouvoir, la "société de consommation" a bien réalisé le fascisme. »
« Le fascisme, je tiens à le répéter, n'a pas même, au fond, été
capable d'égratigner l'âme du peuple italien, tandis que le nouveau
fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communication et d'information
(surtout, justement, la télévision), l'a non seulement égratignée,
mais encore lacérée, violée, souillée à jamais...»
Ecrits Corsaires, Flammarion 2009
« Cette révolution capitaliste, du point de vue anthropologique,
c'est-à-dire quant à la fondation d'une nouvelle "culture", exige des
hommes dépourvus de liens avec le passé (qui comportait l'épargne et
la moralité). Elle exige que ces hommes vivent, du point de vue de la
qualité de la vie, du comportement et des valeurs, dans un état, pour
ainsi dire, d'impondérabilité - ce qui leur fait élire, comme le seul
acte existentiel possible, la consommation et la satisfaction de ses
exigences hédonistes. »
Lettres luthériennes, Seuil 2002 90-91