Enjeux philosophiques
Quelques textes de référence
Ca ne vous gêne pas, vous, qu'on mette un
gène de poisson dans la fraise, un gène de scorpion dans le peuplier ? Ca ne vous gêne
pas de manger de la viande d'animaux clonés ? Ca ne vous gêne pas
que des scientifiques veuillent "créer la Vie à partir de rien" [1,
2] (surtout des hommes d'ailleurs !) ? Ca ne
vous gêne pas qu'une loi de "bioéthique" autorise de fabriquer des
animaux avec des organes humains ?
Eh bien nous, si !
Même si on nous prouvait qu'il n'y ait pas de risque alimentaire, ni environnemental, ce bidouillage du vivant constituerait un motif de plus pour s'opposer aux OGM et au monde qui leur a donné naissance.
Passé ce coup de colère, il faut savoir mettre des mots sur sa position. Nous l'avons fait dans une émission de radio sur Aligre FM (pour écouter l'émission). Nous vous soumettons quelques arguments ci-dessous. Si l'un ne vous convient pas, essayez-en un autre. Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec tous ces développements pour s'opposer aux OGM.
- Qui peut s'exprimer ? Un scientifique
a-t-il plus de poids pour décider ? A l'évidence, si l'on veut
comprendre le travail technique, c'est au scientifique qu'il faut
s'adresser. Et encore si il sait ... Parce que M. Allègre parle
aussi des OGM ... Mais de toute façon, la décision politique revient
au citoyen (qui peut être scientifique, littéraire, chômeur, ...),
en tout cas dans une démocratie comme la notre. Cela peut sembler
anodin, mais il y a un fort glissement, y compris chez les
militants, à donner plus de poids dans la décision, à un
scientifique. Cela pose en partie l'enjeu
politique des OGM et plus particulièrement tel qu'on a pu le
voir à l'occasion de la
conférence des citoyens de 1998.
En 1997, la CGB, alors présidée par Axel Kahn, avait conseillé l'autorisation de cultures de maïs OGM. Le 12 février 1997, le gouvernement a choisi de ne pas suivre l'avis de la CGB qui n'est qu'un avis, ce qui est son droit souverain (!). Le lendemain (13/02/97), Axel Kahn a démissionné en protestation ! Bien qu'Axel Kahn ait compris plusieurs enjeux philosophiques derrière la génétique, il a ainsi manifesté un désir rarement explicité que les politiques obéissent aux avis des scientifiques, bref que les scientifiques aient le pouvoir politique. C'est finalement le triomphe des positivistes du XIX e siècle qui demandaient cela explicitement !Nous irons plus loin en affirmant que s'il est bien de proposer des arguments, ce qui fonde notre position politique (sur tout sujet) reste, en dernier ressort, notre conviction, la façon dont nous voudrions que le monde soit ... notre métaphysique.
Notez que, dans une démocratie, la question "qui peut décider ? " est première et nous prétendons que tout le monde a son mot à dire, qu'il connaisse la biologie moléculaire ou non.
Certes, les sondages tendent à montrer qu'une large majorité des européens refusent les OGM et donc qu'ils devraient être interdits. Mais ce qui fonde notre position n'est pas que nous sommes dans la majorité, mais bien que c'est ce que nous pensons, de façon libre et souveraine. - PGM, animaux génétiquement modifiés, viande
clonée, ... Mais jusqu'où s'arrêteront-ils ? Il faut bien
reconnaître que ce sont les mêmes qui nous fourguent les PGM, les
animaux OGM, ... et dès qu'on accepte l'une de leurs inventions, ils
nous proposent la suivante. Et comme il paraît qu'on n'arrête pas le
Progrès (cf. ci-après), beaucoup acceptent de peur de passer pour
des partisans du retour à l'âge de pierre, à la bougie ou avant les
bombes atomiques ...
Sans un geste fort, cette fuite en avant scientifique et technique n'a aucune raison de s'arrêter ... avant le pire.
« Quand bien même ces valeurs ne vaincraient jamais, nous nous devons d'assurer leur pérennité pour notre temps sur terre, car c'est ainsi que nous aimons vivre, comme pour les transmettre à la postérité, ainsi que tant d'autres l'ont fait avant nous. » Jacques Philipponneau cité in A trop Courber l'échine numéro 6 - « On n'arrête pas le Progrès » Mais
qu'est-ce que « le Progrès » ? Force est de constater que l'article
défini « le » permet de ... ne pas définir car personne ne peut
définir ce mot de façon fiable. En revanche, avec l'article indéfini
« un Progrès » est un mot dont on peut imaginer des définitions.
Mais ce qui est invoqué (sic) est toujours « le Progrès », comme un
dieu moderne, celui qui garantirait qu'il existe un sens à
l'histoire (en clair que nous serions meilleur que nos parents, mais
moins bons que nos enfants et que nous tirerions parti des erreurs
du passé ...).
Notez d'ailleurs, que si « le Progrès » garantit quoi que ce soit sur l'Histoire, alors l'action politique ne peut pas nuire et donc aussi ne peut pas apporter de bien. Bref, c'est la théorie de la fin de l'histoire de Francis Fukuyama notamment qui condamne l'action politique, l'engagement, ... C'est bien le mythe des positivistes du XIXème siècle qui est en passe de se réaliser et qui fait peur. Un monde dans lequel des scientifiques (aussi pointus soient-ils) qui nous diraient nos lois, nos comportements. Cela pose aussi un problème politique. - Derrière les OGM, un monde mécaniste, sans limite,
où la volonté (de quelques-uns) dessine le monde ...
Est-ce vraiment par hasard si c'est dans nos sociétés industrielles (y compris la Chine communiste !) que certains voudraient voir et faire marcher le vivant comme une mécanique ? Est-ce par hasard aussi si on a tous ressenti, un jour ou l'autre, l'impression de n'être qu'un rouage dans une mécanique qui nous engloberait ? N'y a-t-il pas une profonde unité entre ces idéologies, l'une s'appliquant à nous, l'autre au vivant ?
« Le pouvoir qu'a l'homme de faire de l'espèce humaine ce qui lui plaît est en fait le pouvoir qu'ont certains hommes de faire des autres ce qui leur plaît. »Vu ce mouvement de fond qui nous fait tendre au pire, avec la complicité de gens drapés de probité candide et de blouses blanches, n'est-ce pas le moment de dire STOP ?
C.S. Lewis L'abolition de l'homme Ed. Raphael.
Certes, cette vision du vivant n'est pas complètement fausse et parfois, elle fonctionne. Mais justement, elle devrait coexister avec une vision plus intégratrice, holistique, ... mais elle est hégémonique comme l'agriculture qu'elle engendre. - Les comités d'éthique servent à confisquer la parole aux citoyens.
A lutter contre cette vision du vivant, il faut aussi prendre garde à ne pas l'intégrer à nos conceptions :
«Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même. Si tu plonges longuement ton regard dans l'abîme, l'abîme finit par ancrer son regard en toi. » Nietzsche Par delà le bien et le mal
Nous souhaiterions parler ici de plusieurs choses :
- la place de la science ;
- la place de la technique ;
- la religion du Progrès à l'oeuvre derrière une part importante du discours pro-OGM ;
- les vrais enjeux du clonage ;
- le point de vue des religions sur les OGM;
- thérapie génique ;
- les OGM vus du point de vue de l'art.
Vous pouvez aussi consulter certains des textes qui nous semblent intéressants en regard du sujet.
N'hésitez pas à nous contacter si cet aspect vous intéresse. Nous travaillons actuellement à le rédiger.