Place de la science
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Très sommairement, nous devons dire que nous répétons tous plus ou
moins consciemment que la science est bonne. Quand on se pose plus de
questions, on envisage qu'elle ne soit ni bonne ni mauvaise, mais que
cela dépendrait de l'usage qu'on en ferait.
Pourquoi cette quasi-évidence est-elle fausse ?
Ernest Renan Dialogues philosophiques
Prenons un exemple pour voir que des moyens techniques peuvent changer le monde sans même qu'ils soient utilisés. Imaginez un monde où les enfants pourraient être portés par des machines et non par leur mère. Vous comprenez tout de suite que l'impératif d'en passer par l'autre pour se reproduire ne serait pas le même. Les relations hommes/femmes seraient donc forcement fortement altérées. Et ce même si la technique était interdite car il suffirait qu'on sache qu'elle existe pour qu'on ait envie de l'utiliser. Bref qu'on n'ait plus envie de l'autre. L'offre crée aussi la demande !
journal de Chartres, 1859, cité in Face au monstre mécanique F. Jarrige, IMHO 2009 p. 53. Qui soutient encore que la technique est neutre quand ses promoteurs expliquent qu'elle vise à se débarasser de cette sale engeance que sont les ouvriers ?
Par cet exemple (qui n'est qu'un exemple), nous voulons prouver que
la connaissance n'est jamais neutre. C'est le contraire de ce que tout
le monde dit. Et nous n'avons pas dit que la connaissance soit
mauvaise, mais uniquement qu'elle n'est pas systématiquement bonne.
Pour aller plus loin, nous vous conseillons le livre Itinéraire de
l'égarement de Olivier Rey (Seuil). Ou le texte superbe de PMO
sur "la
technologie est le problème".
L'exemple des bombes atomiques est également bon : qu'on les fasse exploser ou pas, elles sont utilisées pour matérialiser les dominations dans le monde. On a pu dire que "les physiciens ont commis le péché" (R. Oppenheimer), mais la vérité est qu'ils le recommettront et les bioigieste sont en train de le commettre.
Un autre argument est le suivant. Dans la phrase "la science est-elle
bon ou mauvaise", on peut voir un parallèle avec la question "l'Homme
est-il bon ou mauvais ?". Ces deux questions sont également stupides
car elles n'ont en fait pas de sens. On le comprendra mieux sur la
seconde.
Dans les années 1950, tout le monde se posait une excellente question,
probablement la seule question qui restera du XXème siècle : "comment
se fait-il que l'homme ait pu faire des camps d'extermination ?". Et
les humanistes (psychologues, sociologues, psychanalystes,
...) de rivaliser d'interprétations ... L'une d'entre elle était de
dire que les bourreaux avaient été forcés. Une telle explication ne
peut prospérer : elle ne dit pas pourquoi ceux qui forĉaient le
faisaient alors même que le poids sur leurs épaules aurait dû être
pire encore ...
Et puis est venu Stanley Milgram, sociologue à l'université de Yale aux EUA. Il a pris le problème à l'envers et s'est en fait demandé sous quelles conditions minimales l'homme torturerait. Plus concrètement, il a fait appel à des gens payés à la journée (et pas au mois comme les conducteurs sur la ligne vers Auschwitz) et leur a dit que c'était une expérience scientifique sur les relations entre la punition et l'apprentissage. Il les mettrait par deux et tirerait alors au sort pour savoir celui qui devrait répondre aux questions. En fait, c'est un faux tirage au sort dans lequel celui censé recevoir des décharges est en fait un acteur. Un exemple de décharge électrique (45V) est appliqué aux sujets de la vraie expérience. A chaque mauvaise réponse l'autre devait, sur l'ordre et la responsabilité du scientifique, donner une décharge 15 volts de plus que la dernière fois. Enfin, il leur avait expliqué que 120 volts c'était des douleurs au cerveau, 270 volts des dommages au cerveau et 450 volts la mort.
Charles Darwin La Filiation de l’Homme, 1871, Introduction.
La règle du "jeu" était donc claire.
Fort ingénieusement, Stanley Milgram a fait un sondage auprès des humanistes qui se posaient la question "comme se fait-il que l'homme (sous-entendu qui est intrinsèquement bon) ait fait des camps d'extermination ?". Avec le protocole décrit aux humanistes, personne ne croyait que les humains iraient jusqu'à faire des dommages irréversibles au cerveau.
Ce qui est intéressant est que dans la réalité, tout le monde a donné des dommages au cerveau et 60 % ont donné la mort. La moyenne des décharges est de 360 volts. Cf une description de l'expérience de Stanley Milgram.
Quelle est l'erreur des humanistes ? La première erreur est qu'ils partent d'un principe qu'ils ne formulent même pas (que l'homme soit intrinsèquement bon). Il est alors difficile de les coincer : ils ne risquent pas de vraie contradiction. La seconde erreur est que l'homme n'existe pas intrinsèquement comme le présupposent les humanistes. Il n'est pas séparable de la société, des relations de domination, d'autorité dans lesquelles il est plongé. Donc dire que l'homme est bon ou mauvais n'a finalement aucun sens. Tout dépend du contexte dans lequel il est. Et Milgram prouve qu'il suffit de très peu d'autorité pour amener une personne de base (vous lecteur !) à torturer à la mort. Il leur suffit d'un scientifique en blouse blanche qui « assume les conséquences », ou « a besoin de données complètes pour les statistiques » ...
Quel rapport avec "la science" et les OGM ?
Tout simplement que dire que des affirmations "la science est bonne" ou "la science est mauvaise" sont stupides pour la même raison : la science n'existe pas intrinsèquement. Elle est toujours dans un tissu de relations de pouvoir, de domination, ... Donc on ne peut pas énoncer la moindre propriété sur "la science" puisqu'elle ne peut être séparée de la société qui l'engendre.
Cf. aussi nos documents et citations sur la science, le Progrès et le positivisme (et ses opposants).